max_maximonstresJ’aimerais vous parler de nos derniers achats en matière de littérature pour la jeunesse à travers le prisme de la colère. Je voudrais tout d’abord évoquer un très grand classique du genre qui parle autant aux adultes qu’aux enfants : « Max et les Maximonstres » qui doit sortir prochainement au cinéma sous la houlette de Spîke Jonze. Dans « Where the wild things are », publié aux Etats-Unis en 1963 et en France par les éditions Delpire en 1967, Maurice Sendak nous raconte une histoire universelle : celle d’un petit enfant qui doit apprendre à gérer quotidiennement son trop plein d’émotions qui le perturbent comme la peur, l’anxiété, diverses frustrations. Tout commence par une série de bêtises que commet Max. Elles ont pour but de décharger un trop plein d’émotions, mais aussi d’attirer l’attention et de se confronter à celle qu’il aime : sa mère en l’occurrence. Pour commettre ses méfaits, il revêt la peau d’un loup, animal sauvage et cruel par excellence qui a hanté et hante toujours notre imaginaire occidental. Fâché par sa mère qui lui résiste, Max lui répond et va jusqu’à la menacer de dévoration. Enfermé dans sa chambre, il ressent deux angoisses existentielles fondatrices : la faim et l’abandon. A partir de là, plusieurs scénarios s’offrent à lui. D’un côté, il peut enlever sa peau de loup et redevenir un bon petit garçon plein d’innocence. De l’autre, il peut refermer davantage sa peau de bêtes et continuer ses bêtises : taper contre la porte, casser…Max choisit une autre solution: l’imaginaire. L’imagination s’avère être pour les enfants un bon vecteur pour surmonter toutes ses émotions. Cette imagination peut s’exprimer de différentes manières par la rêverie mais surtout le jeu, l’enfant entre dans la peau de différents personnages familiers et par les histoires qu’on lui raconte ou qu’il se raconte. Ici commence tout un cheminement intérieur qui entraine Max dans un voyage imaginaire qui va l’emmener au pays des monstres dont il deviendra le roi. Rapidement, il en a assez de revêtir son rôle de surpuissant et souffre de solitude et de manque d’amour. Il va retourner chez lui apaisé et rassasié. De retour dans sa chambre, il retirera une partie de sa peau de loup et aura le plaisir de découvrir sa soupe agrémentée d’une part de gâteau et d’un verre de lait. Pourquoi vous parler tant de ce livre ? C’est parce qu’il marque un tournant dans la littérature pour la jeunesse. Pour preuve les nombreuses critiques qui accueillirent sa sortie. De nombreux parents, éducateurs, libraires reprochèrent à Max de pervertir la jeunesse. Pour eux, l’enfant est symbole de pureté et d’innocence. . Ils n’acceptent pas le comportement de Max qui fait des bêtises, répond à sa mère, la menace de dévoration. Ce livre est plus proche de la réalité. il décrit les émotions que ressentent les enfants de cet âge. Il montre à l’enfant comment il peut les surmonter. Ce livre a connu un vif succès car parents et enfants pouvaient et peuvent facilement s’identifier. Une autre grande qualité de ce texte réside dans le rapport texte images et l’esthétisme de celles-ci. Je vous invite à vous intéresser à la finesse des traits du visage de Max qui expriment les différentes past_queémotions qu’il ressent, aux représentations des monstres ainsi qu’au travail sur la présence et l’absence de texte… N’hésitez houdartpas à découvrir et redécouvrir cet album à consommer sauvagement, sans faim.  Vous pourrez trouver un plus grand développement en lisant le texte de Maria Teresa Sa « une lecture psychanalytique de Max et les Maximonstres » en cliquant sur ce lien : La colère s’exprime aussi d’une tout autre manière dans l’album d’Emmanuelel Houdart « l’abécédaire de la colère ». Des mots et des dessins rouges de colère invitent parents et enfants à discuter autour de ces moments déroutants de l’enfance et de la pater et maternité. Des mots de la colère mais aussi des mots pour l’apaiser. Diplômée de l’Ecole des Beaux arts de Sion et de l’Ecole d’Arts Visuel de Genève, Emamnuelle Houdart est peintre et illustratrice pour la jeunesse. Nous retrouvons du côté du peintre des influences de Jérôme Bosch, Roland Topor et les surréalistes et du côté des illustrateurs Maurice sendak, Anthony Browne, kitty Crowther, Peter Sis. On retrouve dans son album « Emilie Pastèque » une trame très proche de celle de « Max et les Maximonstres ». Une petite fille s’enferme dans son univers, refuse de l’ouvrir à ses parents proches et lointains. La raison serait peut être la venue prochaine d’un petit frère ou d’une petite sœur qu’elle n’accepte pas. De nombreux indices évoquent le désir ou le refus de maternité : la présence de l’oeuf sur la tête d’Emilie, bosse ou la fécondité de sa mère qui lui fait mal à la tête; elle pénètre dans le gros ventre de l’ogre pour y extraire la dent; au cours du rêve qu’elle fait endormie dans le ventre du monstre, elle se trouve dans une poussette en forme de ventre féminin tapissée d’oeufs prêts à être fécondés; les choux et les cigognes dans les arbres et Emilie allongée nue tenant son ventre. Comme chez Sendak, Emilie tue le monstre qui l’habite pour revenir apaisée et rassasiée prête à retrouver toute sa famille. Histoire d’oeufs et de fécondité mais aussi histoire de dents de rage de dents de morsures et de dévoration

Pascal Broutin