Paul Virilio

Paul Virilio

Nous aimerions vous présenter le livre « terre natale : ailleurs commence ici », publié chez Actes Sud. Il donne une idée de l’exposition portant le même nom qui s’est tenue à la Fondation Cartier à Paris. De nombreuses contributions de différents auteurs sont proposées. Il s’agit surtout d’un dialogue entre deux artistes et penseurs : Raymond Depardon et Paul Virilio. Nous vous

Raymond Depardon

Raymond Depardon

en proposons une lecture rapide qui se base principalement sur les contributions de ces deux auteurs.

Pour les contributeurs, la première moitié du 21ème siècle va se caractériser par une sorte de paradoxe : les sédentaires que nous sommes devenus sont partout grâce à l’instantanéité et l’interactivité des télécommunications des ordinateurs et la vitesse des avions. Mais, les nomades sont nulle part chez eux, comme les roms ou les sans papier. De plus, pour différentes raisons économiques (délocalisation, mondialisation), politiques (conflits) ou environnementales (changement climatique, montée des eaux, famines…), les auteurs estiment que d’ici 50 ans environ 1 milliard d’individus auront migré dans un autre pays, pas comme les milliards de touristes mais de manière durable. Les sociétés anciennes, le monde paysan étaient inscrits dans les territoires. Aujourd’hui, la météopolitique va remplacer la géopolitique. Les nuages et la pollution vont faire leur entrée dans l’histoire. Cette situation est d’autant plus injuste que les populations qui vont subir par exemple la montée des eaux n’y sont généralement pour rien car elles dégagent très peu de CO2,

La vitesse est au centre des discussions de ce livre.

La vitesse réduit le monde et le vieillit. En effet, quand on vieillit le temps passe plus vite. Les auteurs posent la question suivante : comment on passe de l’enracinement rural à l’exode et au déracinement urbain ? Raymond Depardon est un représentant vivant de ce phénomène. Pour lui, fils de paysan, le voyage l’a sauvé. Les gens vivent dans un monde de plus en plus petit à cause de la vitesse. La campagne

capsule hôtel Kurokawa

capsule hôtel Kurokawa

correspond à un temps long, la ville future la métropole privilégie le temps court . Les gares, les ports, les aéroports créent ce que Paul Virilio appelle « l’outre ville ». Ces lieux concurrencent les centres villes qui sont, eux, liés à l’enracinement. L’outre ville est liée au mouvement. Les aéroports deviennent des carrefours de la mondialisation. Des villes avec des bureaux, des supermarchés, des hôtels : Le Capsule hôtel » de Kurosaka ; l’aéroport de Gatwick Heathrow, à Londres, propose à la clientèle du Yotel des cylindres de 8m2 pour les passagers surnuméraires en transit, L’hôtel Everland du Palais de Tokyo à Paris met à disposition des containers verts. Le mobil home, la tour sans fin, le container succèdent à la ville ; La claustrophobie remplace le cosmopolitisme.

Mais ce phénomène n’est pas sans conséquence.

La terre est trop petite par rapport au progrès et à l’empreinte écologique des occidentaux et des américains en particulier, Paul Virilio le montre bien que l’autre face du progrès est la catastrophe. Dans nos

Hôtel Everland Palais de Tokyo Paris

Hôtel Everland Palais de Tokyo Paris

sociétés occidentales, on vante tellement le progrès qui va tout résoudre qu’on ne voit plus la perte qu’il implique. Pas d’acquis sans perte. Vive le nucléaire mais que fait-on des déchets, de Fukushima ? Le scientifiques n’étudient généralement que les bénéfices du progrès mais rarement les dégâts. Paul Virilio appelle même à la création d’une université du désastre. Il ne s’agit pas d’arrêter le progrès de retourner à la lampe à l’huile mais de lui permettre de subsister

Autre paradoxe, malgré ce mouvement dans un monde complètement ouvert, on ne cesse de construire des frontières, des murs, des camps pour les roms, les réfugiés.

Les auteurs évoquent aussi le problème de la fin du pétrole. Paul Virilio emploie la métaphore de la cassette qu’on éjecte « stop eject ». Dit plus vulgairement « dégage d’ici ». Avec la fin des

Yotel Gatwick Heathrow

Yotel Gatwick Heathrow

déplacements, que restera-t-il de la fraternité, de la solidarité? Va-ton vers le règne de l’hyperégoïsme ?

Les auteurs développent ensuite toute une réflexion autour du temps. Ils citent tout d’abord des proverbes chinois qui font en quelque sorte l’éloge du vide : « le temps est utile lorsqu’il n’est pas employé ». »Les voyages nécessaires sont ceux qu’il reste à faire », Comme dans le panoptique de Samuel Bentham. Nous cherchons à voir le monde dans son entier. On épuise le monde dans son étendue comme on l’a fait au niveau de ses ressources. On perd le temps long de l’écriture, de la lecture, de l’écoute de la réflexion qui est le propre de l’homme au profit d’une sorte de perception totale, panoptique, ubiquitaire. Le divin devient l’ubiquité, l’immédiateté, ,l’interactivité et la simultanéité. Sans oublier la surveillance. Avec les nouveaux GPS, les caméras surveillance, l’identité, liée à la sédentarité va laisser la place à la traçabilité. Qu’importe notre lieu de résidence. Comme disait Adorno : «l’automobile fait de nous des SDF »,

Que faire ?

Les auteurs militent pour une mobilisation des populations. Loin du discours politique voire éthique, ils souhaitent que les gens se mobilisent seuls. Pas dire ce qui est bon pour eux, mais les aider à monter des associations pour qu’ils soient représentés au niveau des autorités locales et internationales,

Pascal Broutin