De par le monde, de nombreuses personnes se sont levées pour résister à l’injustice, au manque de libertés, aux ségrégations, aux discriminations, en utilisant des procédés non violents… Nous allons rendre hommage à quelques-unes de ces figures.
Aujourd’hui, nous commencerons par Martin Luther King qui naît en 1929, à Atlanta. Fils et petit fils de pasteur, il poursuit la tradition familiale. Il vit à Atlanta dans une ville où les blancs n’acceptent pas le fait que la constitution reconnaisse le droit de vote et la citoyenneté aux noirs. Après la « période de la reconstruction » (1867-1877) qui succède à la guerre de sécession et qui a permis l’imposition par la force de l’égalité raciale et politique, les états du sud mettent en place des lois, appelées Jim Crow, de discrimination et de ségrégation, qui génèrent un véritable apartheid. Les blancs ne partagent pas les mêmes espaces publics que les noirs : restaurants, cafés, écoles, transports en commun (les noirs se tiennent debout au fond des bus). Kathryn Stockett, dans le livre la couleur des sentiments, nous montre comment les bonnes ne peuvent pas partager les toilettes des maîtres et doivent utiliser celles situées dans le jardin. Dans le roman ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, Harper Lee donne un exemple de la justice à deux vitesses qui règne alors : le noir est toujours coupable et le blanc innocent. La cour suprême considère les noirs comme des citoyens de deuxième zone. De 1876 à 1965, en moyenne 39 personnes noires meurent lynchées, chaque année (voir la chanson strange fruits)
Relativement protégé du monde extérieur, Martin Luther King découvre l’humiliation à l’âge de 15 ans. Ce jour là, il reçoit un prix d’éloquence pour un texte qu’il a écrit sur « le noir et la constitution », texte qui constituera son leitmotiv tout au long de sa vie : « revenez à la lettre de la constitution ! ». Dans ce discours, il affirme que, d’après la constitution, nous sommes tous égaux en droits. Dans son discours, il invite chaque représentant du gouvernement et chaque citoyen à relire la constitution et à l’appliquer. Après avoir reçu son prix, il prend un bus pour le trajet du retour. Il doit rester debout pendant tout le voyage (130km) parce qu’il est noir.
Toute sa vie, il va la consacrer à lutter contre les injustices qui touchent son peuple mais aussi les pauvres, en général. Il appartient à l’église social Gospel, des évangélistes sociaux qui prônent la libération de l’homme maintenant sur terre et non uniquement devant Dieu. Dans ses sermons, il prêche qu’il faut aimer les pauvres.
Au cours de ses études, il rencontre les écrits de Gandhi, par le biais d’un enseignant qui a fait le voyage aux Indes. Il lit également le fameux essai de Henry David Thoreau, la désobéissance civile (1849) dans lequel celui-ci explique qu’il refuse de payer ses impôts car il s’oppose à la guerre que mènent les États-Unis au Mexique.
Influencé par ses lectures, il devient adepte de la non violence. Il la considère comme l’arme des pauvres, la mieux adaptée pour obtenir les droits civiques des noirs. Le non violent va organiser des marches, des boycotts, des manifestations…Martin Luther King sait que le blanc modéré est plus attaché à l’ordre qu’à la justice. Ainsi, il s’oppose à MalcomX qui revendique l’action violente. Pour réussir, les masses doivent s’unir et se discipliner dans une non violence subversive. Il faut du courage pour être non violent, on doit surmonter sa peur. La non violence requiert de la patience. Il faut accepter de souffrir, d’aller en prison (Martin Luther King s’y rendra 13 fois), de se sacrifier ( il savait qu’il allait mourir assassiné, sa maison a été plastiquée, il reçoit régulièrement des menaces de mort). Il ne s’agit pas de vaincre mais de convaincre, de respecter son « ennemi », de ne pas chercher à se venger. Il reprend à son compte un des préceptes du sermon sur la montage (évangile selon Saint Mathieu) : « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre ». Il faut rechercher la victoire des masses et non d’une seule personne, la victoire de la justice et de l’amour. Il pense que Dieu est à côté de ceux qui luttent pour cette justice et cette liberté. En 2016, on a pu voir fleurir un badge disant : « Rosa Parks s’est assise dans un bus (par ce geste, elle déclenche, en 1955, un boycott des bus à Montgomery qui dure un an et qui représente le point de départ du mouvement des droits civiques) pour que Martin Luther King puisse marcher. Martin Luther King a marché pour qu’Obama puisse courir. Obama a couru pour que nos enfants puissent voler ».
Martin Luther King possède des qualités oratoires exceptionnelles. Il commence par des sermons dans sa paroisse puis il prêche l’insoumission au niveau de l’état et de la nation. Il pare ses discours d’une grande musicalité, proche du gospel. Il met du rythme, de la mélodie dans ses textes. Cette musique touche les noirs mais les blancs aussi qui l’ont entendue dès le biberon, chantée par les nounous noires.
Martin Luther King va obtenir le prix Nobel de la paix en 1964. La même année, Lindon Johnson promulgue la loi pour les droits civiques. Les noirs obtiennent le droit de vote en 1965. Il continue à militer pour l’égalité des salaires, l’accès au logement et au travail. Les noirs ont gagné leur liberté mais pas l’égalité. Il dénonce le triptyque de la maladie des États-Unis : l’impérialisme, le capitalisme et le racisme. Il meurt assassiné en 1968.
Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué. Les noirs demeurent des citoyens de deuxième zone. 258 afro-américains ont été tués par la police en 2015. Les noirs revendiquent le droit de vivre en sécurité dans leur pays et clament le slogan « black life matters ».
Si vous êtes intéressé par la figure de Martin Luther King, je vous invite à lire la belle biographie que lui consacre Sylvie Laurent Martin Luther King une biographie ou à écouter l’émission « une vie une œuvre », proposée par le site de France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/martin-luther-king-la-sentinelle-de-la-nation-americaine-1929-1968
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Pascal Broutin