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Henry David Thoreau

Dans un article intitulé contre le désespoir (tout contre), l’essayiste Alexandre Lacroix décrit 5 attitudes possibles face au désenchantement du monde.

Tout d’abord, se mettre au vert. En 1845, Henry David Thoreau décide de fuir sa ville natale Concord pour se réfugier pendant deux ans près d’un lac pour y mener une vie sobre au rythme des saisons. Cela ne l’empêchera pas de prendre des positions fermes contre l’esclavage ou d’inventer et de mettre en pratique le concept de désobéissance civile.John Muir, contremaître de métier, décide à la suite d’un accident de travail de tout lâcher et de sillonner à pieds les États-Unis. Il fut à l’origine de la création des grands parcs américains. Plus proche de chez nous, Arthur Rimbaud fait l’éloge des voyages qu’il mettra en pratique : « aller loin, bien loin, heureux comme un bohémien / Par la nature, heureux comme avec une femme ».

La deuxième solution consiste à plonger dans le cœur noir du monde, de vivre la condition des opprimés.

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john Muir

Simone Weil, agrégé de philosophie, décide de partager la condition des ouvriers et de travailler à la chaîne.Elle connaît la faim, la fatigue, les rebuffades, l’oppression du travail à la chaîne sur un rythme forcené, l’angoisse du chômage et le licenciement. Elle note ses impressions dans son Journal d’usine. De son côté, L’écrivain, George Orwell, partage la vie des plus démunis dans les bas-fonds de Londres et de Paris. Il en publiera un texte : dans la dèche à Paris et à Londres. En 1902, l’écrivain, Jack London, décide de vivre 6 mois dans le quartier pauvre de l’East End de Londres. Il en tirera un texte intitulé : le peuple de l’abîme.

Troisième voie celle de l’entre deux des deux précédentes, la voie du milieu : accepter de participer au monde, d’endosser ses responsabilités tout en étant capable de s’en moquer éperdument.

Quatrième voie, proche de la précédente : affirmer la liberté de choix. Face aux obstacles, aux difficultés de la vie, il faut réinventer. Il faut transformer chaque écueil en promontoire. Un rocher peut être un obstacle mais aussi, à le regarder autrement, un promontoire pour mieux voir le paysage. Le chômage progresse, réinventons le travail ; face à la pollution, changeons nos manières de consommer. La liberté, la volonté enjambent les coefficients d’adversité. Pour Heidegger, l’homme est configurateur du monde. Pour Hannah Arendt, l’homme fait monde par l’action et la politique. L’homme a fait monde à travers la tribu, la cité, l’état, la démocratie. L’idée est toujours la même : rendre le monde habitable.

Enfin, opposer un monde au monde. Comme l’enfant qui se crée un autre monde par le jeu, l’adulte, grâce à la création, peut opposer au récit de l’époque un autre récit. Pour cela, il pourra utiliser différentes techniques, l’écriture, l’écriture cinématographique, la peinture, la musique, les installations…

L’essayiste, Michel Etchaminoff, s’intéresse, dans un article intitulé la valeur refuge, à la tentation de nos contemporains au repli chez soi pour échapper aux dangers du dehors.

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Simone Weil

Mais, le chez moi n’est pas qu’un refuge un petit coin de paradis. Nous vivons souvent à plusieurs dans cet espace qui peut devenir invivable à cause des tensions familiales ou de la cohabitation. Le sociologue, Jean-Claude Kaufmann, décrit très bien ce face à face, souvent pesant, au moment des repas familiaux. L’écrivain, André Gide, dans les nourritures terrestres, clamait : « familles, je vous hais, foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur ». Des cinéastes scandinaves comme Ingmar Bergman ou Thomas Winterberg (Festen) décrivent cet enfermement ce huis clos Sartrien à l’intérieur des familles qui débouche souvent sur des tragédies.

Pascal Broutin