b1Le numéro 1034 de la revue Textes et documents pour la classe se penche sur les rapports entre sciences et sports. Les technosciences révolutionnent le monde du sport pour le meilleur et pour le pire. Les enjeux financiers et politiques du sport sont si importants que les entraîneurs de toutes les disciplines sillonnent le monde à la recherche de nouvelles matières, de nouveaux dopants… Les clubs sportifs deviennent de véritables entreprises de spectacle qui doivent être rentables. Dans ce domaine, l’argent passe aussi devant l’humain..

Les auteurs remontent cette collaboration au 19ème avec le développement du sport et la différenciation des différentes sciences. Parmi les pionniers, le suédois Per Henrik Ling propose des exercices de gymnastique en relation étroite avec notre anatomie. La guerre froide puis l’arrivée massive de l’argent vont inciter à l’optimisation de la préparation des athlètes. Les recherches se sont développés dansb3 différents domaines comme la biomécanique, la neurophysiologie, la biologie, la chimie mais aussi la psychologie par exemple, la psychologie sociale s’intéresse aux rapports entre l’entraîneur et les sportifs, aux relations au sein des équipes, à la préparation mentale avant l’épreuve. La biomécanique précise les procédures de renforcement musculaire, d’assouplissement. Les neurosciences permettent de prendre en compte régulations, équilibrations, processus de contrôle moteur. L’imagerie scientifique, le numérique permettent de décomposer les mouvements pour permettre à l’athlète de se rapprocher du geste idéal. Mais la recherche du dépassement de soi ne connaît plus de limites et on est en droit de se poser des b5questions à la fois sur les risques mais aussi sur les retombées bénéfiques de ces recherches. Comme tout progrès, le sport de compétition peut être envisagé sous deux angles.

En effet, nous bénéficions des applications de certaines de ces recherches dans notre b6quotidien. Les recherches menés avec les industries ont permis de mettre au point des textiles innovants. La diététique du champion nous apprend des choses sur notre propre nutrition. Le handisport encourage les recherches qui peuvent avoir des retombées positives pour l’ensemble des handicapés. Oscar Pistorius est le premier athlète handicapé des deux jambes à participer aux championnats du monde des valides. Pour La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), les fines prothèses en fibre de carbone représentent un avantage sur les personnes valides. Malgré de nombreux déboires juridiques, il participe aux championnats du monde de Daegu en 2011. Il atteint la demi-finale. Des innovations matérielles ont permis d’améliorer des performances. :le remplacement du sable par des matelas en saut en hauteur ou à la perche, la qualité des sols pour la course, des équipements comme les chaussures, les combinaisons des nageurs, les skis, les raquettes… De son côté, l’entraînement devient un travail systématique, scientifiquement fondé.

Malheureusement, ces entraînements débouchent aussi sur la production d’un homme aux qualités supérieures, dont le corps ne représente qu’une machine, telle que la définissait Descartes. Et, si b7l’homme est une machine, on peut améliorer ses performances. On assiste ainsi à de nombreuses dérapage comme le dopage. Les « meilleures » médecins se trouvent malheureusement,  dans le domaine du sport, domaine très lucratif. La science synonyme de progrès pour les performances mais pas vraiment de progrès pour l’homme. La rudesse des entraînements, le dopage débouchent sur la souffrance et la négation du corps. On parle dans le domaine du sport d’anorexie, de dysmorphie chez les jeunes gymnastes féminines. Les hommes ne sont pas en reste et souffrent du « complexe d’Adonis ». Ils soumettent leur corps à un entraînement musculaire intense mais aussi à des diètes pour diminuer leur masse graisseuse. De plus, ils font le plein de protéines de compléments alimentaires et de stimulants  Les produitsb2 dopants à base de testostérone ou de mandrolone ont des effets néfastes pour la santé : hypertension artérielle, accidents cardiovasculaires, lésions hépatiques, déficit de la fertilité. La mandrolone augmente la masse musculaire mais ne développe pas les tendons d’où des risques d’accidents musculo-articulaires. De son côté, la thérapie génique envisage l’insertion d’une gêne dont l’expression offre la possibilité d’améliorer la performance physique. Des expériences très probantes ont été menées sur la souris qui, après avoir subi une transgénèse, voyait ses capacités physiques se démultiplier. Elles sont deux fois plus endurantes et rapides qu’une souris normale   Un journaliste pose cette question intéressante : peut-on gagner en puissance sans gagner en sagesse ?

b8Nous constatons une évolution du sport concomitante à celle de nos sociétés. La science comme le sport reflètent notre société. Au début du 19ème siècle, le sport tel qu’il est enseigné dans les collèges anglais doit former un gentleman anglais bien dans sa tête et dans son corps, mais aussi, au travers du sport collectif, un homme prêt à assumer des responsabilités. Pierre de Coubertin en France souhaite, après la défaite de 1870, « rebronzer une génération veule et confinée ». Il s’agit dans ces deux exemples de casser la tradition qui sépare le corps et l’esprit (Platon, Descartes) et qui veut qu’un bon sportif soit un mauvais élève ou que la force soit synonyme de violence. Le sport lié à la nature se rapproche de la culture via les sciences .Le sport de masse se développe.  Aujourd’hui, le sport est devenu une course effrénée à la performance, une compétition, réservée à une élite dont il faut sortir le meilleur, quelqu’en soit le prix. Le sport est un investissement financier. Certains clubs de football sont même côtés en bourse. Très peu d’argent n’est octroyé aux clubs amateurs. Le sport est devenu un spectacle qui permet d’asservir et d’assouvir les masses. En ce sens, il est devenu une arme du néolibéralisme.

Pascal Broutin