affiche-homeLe mémorial de la Shoah organise une exposition intitulée : « le sport européen à l’épreuve du nazisme des J.O de Berlin aux J.O. de Londres (1936-1948). Nous vous invitons à découvrir une jo-barcelonepartie de son contenu  à l’adresse suivante.

Nous vous en proposons une petite analyse.

Dans un premier temps, l’exposition montre que le sport représente à la fois un moyen de forger, contrôler les masses mais aussi une vitrine sur l’extérieur.

L’éducation physique et sportive est vivement encouragée par les  régimes totalitaires. Elle permet d’améliorer les performances des individus, les préparant ainsi aux futurs conflits. « Le jeune Allemand doit être mince et élancé, agile comme un lévrier, résistant comme le cuir et dur comme l’acier de Krupp. » Adolf Hitler, Mein Kampf, 1924. Concrètement, les jeunes allemands pratiquent 10 heures d’EPS par semaine. Les dictatures privilégient les sports individuels comme la natation, la gymnastique et l’athlétisme qui musclent les corps, les sports de combats, les épreuves de vitesse comme l’automobile, l’aviation. Le sport représente pour les pays une véritable vitrine en particulier à l’occasion des grands événements comme les championnats du monde ou les jeux olympiques. Nous verrons cela en particulier à l’occasion des jeux olympiques de Berlin, en 1936. L’encadrement sportif, la multiplication des clubs et des associations permet la mise en place d’un maillage de contrôle de la a3population. Par le sport, on peut embrigader et forger les masses. On photographie les grands sportifs en uniforme, faisant le signe fasciste ou nazi, comme Primo Carnera, champion du monde de boxe italien.

Dans un deuxième temps, l’exposition insiste sur le fait que le sport inclut soude les masses mais exclue aussi. Le sport permet de mettre au ban de la société certaines catégories en interdisant leurs clubs, comme les juifs en Allemagne ou les associations sportives, socialistes et catholiques en Italie à partir de 1928. Les allemands déporteront de nombreux sportifs dans les camps.

Les jeux olympiques de 1936 constituent un moment marquant dans l’histoire des Olympiades. albert_richterLes services de propagande nazie font  preuve d’un zèle particulier pour promouvoir l’événement : 200.000 affiches en 19 langues, 4.000.000 de brochures. 75.000 visiteurs étrangers, dont 15.000 américains, assisteront à cette manifestation. Hitler veut faire la démonstration de sa puissance technologique et industrielle en lançant des travaux considérables : un stade de 100.000 places, un village olympique high tech. Pour la première fois, une retransmission radiophonique en direct est offerte à 300.000.000 d’auditeurs, via 105 radios étrangères.

La France n’est pas en reste. Léon Blum et Léo Lagrange soutiennent financièrement les sportifs qui se rendent à Berlin . Par la Charte des sports du 20 décembre 1940, le Maréchal Pétain encourage la pratique du sport dans les écoles à raison de 9 heures hebdomadaires.. Symboliquement, nous pouvons rappeler que les raflés du Vel d’Hiv. furent internés au vélodrome d’Hiver, en juillet 1942. Les sportifs sont déportés, les juifs sont interdits de stade en tant que spectateurs ou sportifs

a5Parallèlement, un mouvement de boycott voit le jour dans le monde auprès de la diaspora juive et du mouvement ouvrier. Depuis la 1ère guerre mondiale, les internationales sportives boycottent ces manifestations mercantiles. L’Internationale Sportive de Lucerne met en place « les jeux olympiques pour la promotion de la paix » à Francfort en 1925, Prague 1927 et Vienne en 1931. L’Internationale Rouge Sportive à dominance bolchevique promeut ses Spartakiades à Moscou 1928 et Berlin 1932. En 1936, devaient se tenir « les Olympiades populaires, semaine du sport et du folklore ». Elles mettaient en avant le sport sain et non mercantile, pacifiste antifasciste et anticolonialiste, ouvert sur les expressions populaires. Le déclenchement de la guerre d’Espagne ne permettra pas la tenue de cet événement.

L’exposition du mémorial de la Shoah insiste tout particulièrement sur l’encouragement de la pratique du sport dans les communautés juives. Max Nordeau lance un appel au « judaïsme du muscle » en 1998 : « Nous devons aspirer à créer de nouveau un « judaïsme du muscle », nous devons devenir de nouveau des hommes aux torses saillants, avec des corps d’athlète et au regard hardi et nous devons élever une jeunesse agile, souple et musclée qui doit se développer à l’image de nos ancêtres, les Hasmonéens, lesMaccabéeset Bar Kokhba. Elle doit parfaitement être à la hauteur des combats héroïques de toutes les nations. ». Face aux exclusions, ces communautés vont développer à partir 1932 à Tel-Aviv les premières Maccabiades. Il  s’agit de rassembler les sportifs juifs de plusieurs pays et non de faire tomber des records.

Le Mémorial termine son exposition par la vie de 8 athlètes juifs qui ont résisté à la tyrannie totalitaire

Nous voyons, à travers ces différentes exemples et en particulier ceux qui concernent les régimes totalitaires comment le sport, loin d’être émancipateur ou une pratique pleine de vertus pour la santé, peut devenir porteur d’une idéologie. Dans l’Allemagne nazie, nous retrouvions régulièrement cette phrase : « ton corps ne t’appartient pas, il appartient au Führer ». Dans le livre de Jean Echenoz « courir », sorte de biographie d’Emile Zatopek, nous voyons comment l’athlète de demi-fond porte les valeurs du socialisme et des pays de l’Est, dans le contexte de la guerre froide.

Pascal Broutin