blogueNous aimerions cette année proposer quelques lectures pour le BTS français. Le thème « génération(s) » est très présent dans la littérature et le cinéma. Image du père, de la mère, les rapports dans la famille, la recherche de ses origines, les secrets de famille, les orphelins…Nous vous proposons de commencer avec la présentation du livre de Laurent Gaudé « la mort du Roi Tsongor » qui fait partie de la liste officielle des ouvrages recommandés pour ce thème. Laurent Gaudé, féru de tragédies antiques, d’Eschyle et d’Euripide, féru de contes africains, « la Geste de Ségou », « les contes bleus », nous offre une tragédie prosaïque qui se déroule en Afrique à Massaba, Troie Africaine  ville mythique qui aurait existé et qui aurait disparu détruite par la haine des hommes. Comme dans toute tragédie, nul ne peut échapper à son destin. Le roi Tsongor, sanguinaire dans sa jeunesse, a conquis un immense royaume. Son oeuvre terminée, devenu sage en vieillissant, il décide de vivre en paix. Le mariage de sa fille représente l’apothéose de sa vie, toute entière consacrée à la guerre. En réalité, il déclenche le début de l’apocalypse et la destruction de ce qu’il a construit. Deux prétendants se présentent pour épouser sa fille. Pour éviter la guerre, le roi se suicide. Son geste ne suffira pas, le sang des Atrides doit couler. La tache de sang demeure indélébile. La malédiction le poursuit et poursuivra sa famille. Au début du roman, on apprend que Tsongor a craché sur son père qui ne voulait rien lui léguer et cet acte primordial représente le moment originel de la malédiction. Humilié, il va conquérir ce que son père refuse de lui donner. Et à la fin de l’histoire, lorsqu’il est « mort-vivant »il évoque le rire humiliant de son père. P.162 « le rire de mon père, je l’entends sans cesse résonner dans mon esprit. Avec les mêmes intonations que le dernier jour où je le vis. Il était sur son lit. On m’avait fait chercher en me disant qu’il ne tarderait pas à mourir. A peine me vit-il qu’il se mit à rire. Un rire horrible de mépris qui a secoué tout son vieux corps, fatigué. Il riait avec haine. Il riait pour m’insulter. Je ne suis pas resté, je ne l’ai jamais revu. C’est à cet instant-là que j’ai décidé de ne rien attendre de lui. Son rire me disait qu’il ne céderait rien. Il riait sur mon espoir d’héritage. Il se trompait. Quand bien même, il m’aurait légué son petit royaume, je n’en aurais pas voulu. Je voulais plus. Je voulais bâtir un empire qui ferait oublier le sien. Pour effacer le rire. Tout ce que j’ai fait depuis ce jour, les campagnes, les marches forcées, les conquêtes, les villes construites, tout cela , je l’ai fait pour me tenir loin du rire de mon père. Mais il revient aujourd’hui. Je l’entends dans la nuit comme je l’entendais autrefois. Avec la même sauvagerie. Sais-tu ce que me dit ce rire, Katabolonga ? Il me dit que je n’ai rien transmis aux miens…C’est la malédiction des Tsongor, Katabolonga. De père en fils, rien que de la poussière et du mépris. J’ai échoué » Les deux parties des prétendants s’entre-déchirent et tout redevient poussière. Dans un récit épique, Laurent Gaudé nous raconte ce combat de la jeunesse, ivre de gloire, de sang et de rage pour l’amour d’une femme, Samilia, Hélène Africaine. Comme dans un précédent roman « pluie de cendres », écrit pendant la guerre de Yougoslavie, l’auteur nous parle des gens qui vivent dans une ville assiégée. Un récit initiatique se tisse en parrallèle. Le plus jeune fils Souba, a été chargé par son père de ne commencer à vivre que le jour où il aura fini de construire 7 tombeaux secrets semblables aux 7 visages de Tsongor.. Un peu comme Ulysse, il erre dans le royaume. Il part à la recherche de son père et finalement il découvre en lui sa part de Tsongor, sa part de jeunesse sanguinaire, lorsqu’il tue l’oracle.
Un autre personnage attachant traverse le livre Katabolonga, image du serviteur fidèle, l’ombre de Tsongor.
J’aimerais rendre hommage à l’écriture haletante de Laurent Gaudet, sans temps mort, à la part de philosophie qui ressort du livre.
Quelques questions autour du thème génération(s) : que lègue-t-on à ses enfants ? La fougue, la folie de la jeunesse opposée à la sagesse des vieillards. Exaucer les volontés de son père et ne vivre que lorsque sa volonté est faite.

Pascal Broutin