cussetCatherine Cusset nous offre dans son livre « un brillant avenir » une série de portraits de femme. Nous rencontrons, tout d’abord, Helen-Elena qui a fui la Roumanie (Elena) antisémite pour se réfugier en Israël, qu’elle quittera rapidement pour les États-Unis (Helen) pour réserver à son fils un brillant avenir en lui évitant les aléas de la guerre. Ce brillant avenir est menacé par sa bru, Marie, d’origine française qui, non seulement, lui vole son fils, mais aussi menace de l’arracher à son pays et de l’éloigner encore plus de sa mère. Nous découvrirons une troisième femme la mère d’Elena qui s’est opposée au mariage de sa fille avec un juif et l’a rejetée. Et enfin, nous apercevons Camille, la petite fille d’Helen Camille bébé.Nous avons affaire à une saga courant sur 4 générations, se déroulant de 1950 à 2006. L’écriture du livre intéresse aussi l’autre thème du BTS : le détour. En effet, l’auteur ne choisit pas une présentation chronologique mais adopte plutôt une écriture sous forme de puzzle. Nous passons allègrement d’une année à l’autre, voire d’un siècle à l’autre, d’un continent à l’autre. J’insisterais davantage dans cette article sur l’approche du thème « génération ». Malgré les oppositions entre les femmes, le thème du sacrifice pour l’enfant est omniprésent. Les parents ne vivent que pour l’avenir de leurs enfants, se sacrifient pour leur bonheur présent ou futur. p.131 « depuis que ses parents adoptifs l’avaient recueillie après la mort de sa mère, ils n’avaient pensé qu’à une seule chose : son avenir. Pendant toutes ces années où ils avaient dû se déplacer de ville en ville, ils avaient toujours trouvé pour elle la meilleure école, la meilleure nourriture, et les vêtements les plus chauds. Elle (Helena) était leur priorité.Encore aujourd’hui. Dès que sa mère avait réussi à économiser quelques sous, elle achetait un coupon de tissu pour une nouvelle robe destinée à sa fille. » Malgré cela, les enfants s’avèrent ingrats. dans la suite du texte : « et elle (Helena) n’hésiterait pas à briser le cœur de tels parents, pour un homme par qui elle voulait être encore touchée et embrassée ? Helen, en retour, fait la même chose pour son fils et souffre de ce sur-investissement non récompensé. p.141, elle dit : « j’ai toujours cru qu’il aurait un doctorat; C’était mon  espoir. J’aurais été si fière de lui ! C’est pour ça qu’on a émigré aux États-Unis, qu’on a payé ses études à l’université, qu’on l’a envoyé à Harvard. Son père et moi voulions qu’il obtienne le meilleur diplôme possible. Il est si intelligent ! » Helen souffre parce que son fils n’a pas un diplôme au moins égal à sa femme. Tous ces sacrifices ont un revers de la médaille : les parents sont omniprésents au niveau des choix des enfants et en particulier en ce qui concerne le couple. Le chapitre 11, intitulé « guerre et paix », nous raconte la première rencontre entre la famille d’Helen et le beau fils honni de la famille. Elena introduit la scène p.129 : « Elle savait qu’un duel venait de commencer. Elle se rappelait les pièces de Corneille dont Mme Weinberg lui récitait autrefois des tirades. Il ne pouvait y avoir de fin heureuse ». Le père sait bien présenter la situation, p.130 : moi, je pense à ma fille, ma Lemoush. Je ne pense ni à moi ni à ma mère et sa grand-mère qui auront le cœur brisé si elles perdent leur fille et petite-fille unique. S’il s’agissait de la rendre heureuse, nous serions prêts à tous les sacrifices. Curieusement, ce sacrifice suivi d’une sorte de chantage affectif va se perpétrer de génération en génération; on reproduit aux autres les souffrances qu’on a éprouvés. Dans tous les cas, le rejet du conjoint se traduit par le départ de l’enfant : p.209 « il (Alex, le fils d’Helen) ne veut plus les voir (ses parents), ni leur parler. Marie est désolée pour eux, parce qu’elle les devine terriblement malheureux. Mais sa pitié reste modérée : ces deux vieux fous ont bien failli lui prendre Alex. Un peu plus loin, on apprend que les parents ont remplacé la photo du mariage de leur fils par une photo de leur fils à l’âge de 18 ans. Marie « a été effacée ».  Puis avec le temps, ils ont le sentiment d’être abandonnés.: « ils n’ont plus de fils. Il a choisi la Française contre eux. »Par la suite, nous pénétrons cette famille un peu plus en profondeur et nous découvrons un secret. Autour de son mariage, Elena apprend que sa mère adoptive et son père adoptif sont ses parents. biologiques Elle est « le résultat de leur péché de jeunesse et ils t’ont toujours menti ». Elena a été conçue avant le mariage. « Oui ce sont tes vrais parents. Tu ne le savais pas, hein ? ta mère a caché sa faute en allant accoucher chez sa sœur à la campagne, assez loin de Kichinev pour que personne en ville ne soit au courant. Elle t’a laissée là-bas. Et quand sa sœur a eu cet accident de camion providentiel, ils en ont profité pour te rapatrier et t’adopter.[...] Toute sa vie aurait été fondée sur un mensonge. ».Elena a du mal à accepter la vérité : « un homme qui n’avait jamais eu un mot gentil ou un geste tendre pour elle ne pouvait être son vrai père ». Le sacrifice des parents est purement matériel et cache l’impossibilité de donner de l’affection aux enfants.

Pascal Broutin