victor_1La bibliographie officielle du thème « générations » nous propose la pièce de Roger Vitrac « Victor ou les enfants au pouvoir ». Roger Vitrac (1899-1952) écrit une pièce surréaliste sur un enfant roi, dans le sillage d »‘Ubu roi » d’Alfred Jarry. Victor prend le pouvoir le jour de son neuvième anniversaire. Petit en âge mais grand en taille (1m80), il use de son droit d’anniversaire pour dénoncer en public les agissements de son victor2petit microcosme bourgeois. il annonce que son père, Charles Paumelle, trompe sa bonne mère avec leur meilleure amie Thérèse Magneau. Son mari, Antoine Magneau, devenu fou, se pend à la fin du spectacle, après avoir indiqué dans une lettre que leur fille, Esther a, en fait, été engendrée par Charles. Victor se découvre ainsi une demi soeur. Victor refuse de continuer de vivre dans ce monde qui part à vau-l’eau et décide à la fin de ne pas devenir adulte et de se laisser mourrir. Avant cette fin dramatique, il passe sa journée à tyranniser son entourage. Il s’attaque d’abord à sa bonne, Lili. Victor casse un vase de Sèvres d’une grande valeur. Il dit à la bonne qu’il l’accusera de son méfait à ses parents, si elle ne couche pas avec lui. En réalité, il accuse Esther de son forfait, qui sera giflée à sa place. Il se moque, ensuite, de victor3l’armée, autre grande institution après la famille, en chevauchant le général Lonségur. Dans ce monde des faux semblants, dans cette comédie que se jouent les adultes, Victor, doué d’une grande lucidité,  parle vrai. Une des particularités de cette pièce est de placer un enfant au centre de la pièce, au centre du discours. Certes, la littérature pour la jeunesse existe depuis quelques décennies, mais, dans la littérature adulte et en particulier dans le théâtre, l’enfant n’occupe qu’une place secondaire. Roger Vitrac semble avoir été influencé dans son écriture par les travaux de Sigmund Freud qui a montré le poids de l’inconscient et celui des processus victor4d’identification aux parents. Comme nous l’indique la préface de l’ouvrage : « le théâtre a usé et abusé, depuis le XVIIIème siècle surtout, du trio constitué par le mari, la femme et l’amant, mais jamais encore l’adultère n’avait été perçu à travers la souffrance de l’enfant ». L’enfant vit, l’enfant souffre et meurt comme tout être humain : l’enfant est une personne. Ici, naît aussi une autre figure, en avance sur son temps : celle de « l’enfant roi » qui dirigera quelques années plus tard le noyau familial et la société.

Pascal Broutin