blig_003Agnès Desarthe, écrivaine prolixe, publiée dans les éditions jeunesses et adultes, traductrice, nous propose aux éditions de l’Olivier, un livre tout à fait remarquable : « la remplaçante ». Ce petit livre nous intéresse tout particulièrement, car il aborde les 2 thèmes de français du BTS : « le détour » et « génération(s) ». Il s’agit tout d’abord d’un formidable détour au niveau de l’écriture : au départ, elle veut écrire sur Janusz Korczak, pédagogue polonais, directeur de l’orphelinat du ghetto de Varsovie. Elle entreprend un certain nombre de recherches pour ce livre de commande qui rentre dans la collection « figures libres ». Cette collection demande à des écrivains de parler de leur héros favori. En s’intéressant à Korczak, elle redécouvre la figure de son grand-père maternel génétique qui est mort à Auschwitch. en 1942. Elle se rend compte qu’elle ne peut pas en parler c’est trop émotionnel. Elle l’évoque juste dans le texte page 84 à travers un petit gobelet qu’il aurait fait parvenir, de Drancy, à sa fille . Comme elle ne peut pas écrire sur son grand-père génétique, elle nous parle de son grand-père remplaçant. Parler de ce grand-père remplaçant c’est une manière deblig_002 parler de ce grand-père mort dans les camps qu’elle n’a pas connu mais qui hante toujours sa famille. Se pose ensuite une autre question qui intéresse les artistes : comment faire le portrait de quelqu’un ? Dans un précédent ouvrage, « cinq photos de ma femme », elle avait déjà parlé de ce grand-père  remplaçant qui avait essayé de faire faire, par des artistes, le portrait de sa défunte femme à partir de photographies. Aucun des résultats ne le satisfera. Dans « le remplaçant » la tache d’écriture s’avère, aussi,  impossible Quoiqu’elle fasse, le résultat sera insatisfaisant. Alors plutôt qu’interviewer sa mère, sa grand-mère, elle préfère faire confiance à sa plume, à l’art plutôt qu’à l’histoire. Elle fait ce portrait à hauteur de petite fille.
Dans un autre de ses livres « mangez-moi », titre, qui fait référence à « Alice aux pays des Merveilles », elle nous parle de l’absence d’instinct maternel. L’héroïne Myriam a coupé tous les ponts avec sa famille, son mari mais surtout son fils pour une histoire d’aduiltère. Après 6 ans de galère, elle décide d’ouvrir un restaurant idéal, dans lequel cohabitent toutes les générations et dans lequel, elle essaye de donner de l’amour. Elle fait cela car elle est dans la blig_001culpabilité, dans la réparation. Agnès Desarthe nous dresse le portrait d’une femme bouleversante qui ne se pardonne rien, très intransigeante avec elle-même et très généreuse par rapport aux autres. Elle apprend à s’autoriser le bonheur bien que les fantômes du passé la réveillent sans cesse. Jeune, elle admirait les phalanstères de Charles Fourrier. Dans ce monde, on n’était l’enfant de personne comme dans certains contes . Malgré ses idées, elle aura, assez vite, un enfant ,dont elle dit, page 156, qu’elle détournait la tête quand son fils la regardait de peur qu’il ne lise dans ses yeux : « je ne t’aime pas ». Ce livre pose de manière remarquable la question de l’absence de l’instinct maternel. Myriam se demande dans le livre si c’est irrévocable ? La fin du livre nous prouve le contraire
Pascal Broutin