a1Dans le cadre de la semaine de la presse, nous avons eu la chance de recevoir Gilles Balbastre, coréalisateur du film « les nouveaux chiens de garde »,. . 250 élèves, issus de 9 classes ont pu voir dans un premier temps le film. Puis, le coréalisateur a répondu à leurs questions.

Le film :

Distribué en 2012, le film adapte librement le livre de Serge Halimi « les nouveaux chiens de garde ». Les réalisateurs étudient les connivences des journalistes avec le monde politique, à partir d’archives et de témoignages. Parmi les témoins, on dénombre le journaliste Michel Naudy, le sociologue François Denord, les économistes critiques de la théorie néoclassique dominante Jean Gadrey, Frédéric Lordon et Henri Maler. Le tout est ponctué par un ensemble d’animations. A noter que certains étudiants stagiaires de l’Esaat ont réalisé quelques-unes d’entre elles,

Le film a rencontré un vif succès pour un documentaire avec 240 000 entrées. Boudé par les médias pour des questions évidentes de contenu, ce succès s’explique par la mise en place d’une campagne de pré projections auprès de relais syndicaux et associatifs. Le film a été nominé en 2012 au César dans la catégorie « film documentaire ».

Quelques réactions, recueillies le lendemain, montrent que les élèves ont beaucoup apprécié le film, tout en jugeant qu’il était , pour certains, un peu trop long. A mettre à leur crédit le fait que les conditions de projection n’étaient pas optimums. La salle polyvalente relève plus du home cinéma que de la salle de cinéma : la taille de l’écran, la non déclivité de la pièce….

Par contre, en général, ils ont énormément apprécié le débat.

Le débat :

J’aimerais tout d’abord insisté sur les qualités d’orateur de Gilles Balbastre . Il a fait preuve de beaucoup d’empathie et de pédagogie. Malgré le trop grand nombre de spectateurs de l’après-midi, il a réussi à captiver leur attention pendant plus d’une heure. De plus, dans ce genre de débat, on peut facilement glisser vers le domaine politique. Gardant l’objectivité d’un sociologue face aux résultats d’un questionnaire, il a maintenu le plus de neutralité possible dans un domaine si politique. .

Bien sûr, je n’ai pas la prétention de rendre compte, en quelques lignes, de la richesse des échanges, mais je vais essayer d’aborder quelques questions. Gilles Balbastre a commencé avec des exemples concrets, tirés de quotidiens. Il nous a d’abord montré comment les journalistes sont dépendants des financiers. Le journal « le monde » a consacré, le jour de la sortie « des nouveaux chiens de garde » 3 pages à l’annonce du forfait Free à deux euros. L’importance de la couverture de l’événement s’explique par le fait que Xavier Niel, directeur de Free, est également co-propriétaire du groupe le Monde. Donc, pour Gilles Balbastre, si je veux m’informer sur Free, j’ai tout intérêt à voir ailleurs. Ceci ne veut pas dire qu’il ne faut plus lire le Monde, mais peut être pas sur certains sujets. Même chose, lorsque le Figaro écrit un article sur les avions produits par la firme Dassault, propriétaire du journal. Ensuite, à partir d’un gratuit, il démontre comment le a2journaliste ne peut pas faire une critique honnête du film « toys story », dans la mesure où les studios Walt Disney, producteurs du film, ont acheté une double page publicitaire présentant l’affiche du film, juste avant l’article. Gilles Balbastre évaluant la page à 100 000 €, nous comprenons la logique éditoriale.

Comment s’informer alors ?

Gilles Balbastre nous montre tout d’abord que nous sommes informés malgré nous. Même sans lire la presse people, nous savons que le président français a une liaison avec Julie Gayet. Mais, généralement, nous sommes incapables, à posteriori, de citer nos sources : comment j’ai appris cette information ?

Gilles Balbastre nous conseille tout d’abord de croiser nos sources. Dans un deuxième temps, il nous invite à nous plonger dans les livres. Puis, il nous dirige vers des publications moins sujettes à la finance, moins dépendantes de la publicité : « le canard enchaîné », « la croix », « le Monde Diplomatique » des sites payants comme Médiapart, Arrêt sur images. On pourrait ajouter, je pense, une chaîne de télévision comme Arte. En tout cas,, la lecture des journaux, l’écoute de la radio ou le zapping télévisuel nécessitent que l’on porte un certain intérêt aux propriétaires aux actionnaires, aux pages publicitaires présentes dans la publication, aux spots publicitaires radiophoniques ou télévisuelles, avant et après les journaux. Nous devrions faire aussi ce travail de recherche sur les liens entre chaînes de télévision, radio, presse écrite et milieu des affaires, de la finance. Par exemple, qui a racheté tel journal ?

L’information un bien particulier :

Gilles Balbastre utilise souvent l’image des lasagnes Findus pour décrire l’information. On veut nous faire croire qu’il s’agit de bœuf français, alors qu’en réalité nous avons à faire avec du cheval venu de Roumanie. L’information n’est pas un produit comme les autres. Elle est souvent partielle, faussement objective souvent trompeuse. Les grandes sociétés se sont intéressées à la presse, à la radio et à la télévision, pas toujours pour faire de l’argent (la presse écrite est souvent déficitaire) mais pour gagner du pouvoir et de l’influence sur les journalistes, les politiques et le public.

Autre caractéristique : on ne peut entretenir avec elle un rapport « j’aime ou je n’aime pas ». Il y a la guerre en Syrie, je n’aime pas mais c’est de l’information. Pourtant, les journaux télévisés, la presse écrite ou la radio surfent sur les désirs des gens pour gagner de l’audimat ou du lectorat. Une couverture sur Marine Le Pen augmente les ventes de 30 %. Le spectaculaire, les faits divers nous interpellent, donc on les place en début de journal. Les gens s’intéressent plutôt à leur quotidien donc on n’aborde que très peu les sujets internationaux. TF1 consacre très peu de sujets à ce domaine.

Le problème du format :

L’accélération de tout est au cœur des médias. Les sujets deviennent de plus en plus courts et de plus en plus nombreux. Les articles des journaux diminuent en longueur. L’information devient superficielle. Les débats contradictoires disparaissent des journaux télévisés par manque de temps. En conséquence, on ne comprend plus rien aux notions compliquées comme la crise des subprimes, par exemple. On multiplie les sujets et seules les images spectaculaires captent notre regard. Curieusement, d’ailleurs, certains de nos élèves ont manifesté un regain d’attention à la fin du film au moment des émeutes dans les banlieues.

Ce problème de format, questions brèves entre 2 spots publicitaires, zapping de sujets, positionnement du journaliste, explique le peu de présence de voix contradictoires au néolibéralisme dans les médias traditionnels. Les experts font semblant d’être en désaccord, mais défendent en réalité la même idéologie.

A nouveau, grand merci Gilles pour cette leçon de journalisme indépendant !

Pascal Broutin