Deux expositions à Paris reviennent sur le cinéma primitif. La première se tient au Grand Palais avec l’exposition sur les frères Lumière, la seconde à la galerie de
s bibliothèques dans le Marais avec une exposition intitulée « cinéma premiers crimes ».
Au Grand Palais, nous pouvons admirer les prouesses techniques mises au point par les hommes pour donner du mouvement aux images et les projeter. Nous pouvons voir fonctionner : la lanterne magique, le praxinoscope inventé par Emile Reynaud en 1876, le zoopraxiscope, le fusil photographique d’Étienne Jules Marey, le fameux kinetoscope de Thomas Edison (premiers films animés) et enfin les premières caméras Lumière (films animés et projetés). On peut suivre l’évolution technologique des caméras des Lumières : amélioration de la portée de projection, réservoir à eau pour refroidir la pellicule…Certes, Louis Lumière et Thomas Edison se disputent l’origine du cinéma. Mais, ils partagent aussi le génie de l’invention. Nous savons qu’Edison a inventé le télégraphe, la lampe à incandescence, le phonographe et le cinéma. De son côté, Louis Lumière invente un nouveau procédé photographique révolutionnaire « les plaques au gélatino-bromure d’argent », le cinéma (projeté pour plusieurs spectateurs), l’autochrome (premier procédé industriel de photographie couleur), la photostéréosynthèse (procédé de photographies en relief), le cinéma en relief, sans lunettes… Pour chaque invention, nous pouvons admirer quelques échantillons. Par exemple, les autochromes présentées sont d’une qualité époustouflante. Bien sûr, la part belle est faite aux films Lumière. Les films réalisés par les Frères Lumière dans un premier temps. Nous participons à la première projection qui se tint le 28 décembre 1895 dans le Salon indien, reconstruit à l’authentique pour l’occasion. Il s’agissait d’une petite salle située au sous-sol du Grand Café, 14 Boulevard des Capucines. La programmation est commentée par Michel Piccoli. Nous pouvons voir ensuite les 60 films qu’ils réalisèrent, films de famille pour la plupart.Puis, nous pouvons suivre les opérateurs Lumière qui sillonnèrent la planète pour enregistrer des films mais aussi pour les projeter. 50 équipes, composées de 2 hommes, participent ainsi au brassage des civilisations, au début de la mondialisation du cinéma. A côté de cet aspect ethnologique, nous nous rendons compte qu’ils avaient tout inventé techniquement : panoramique, travelling, plongée, contre-plongée… sans les nommer.Enfin, vous pouvez voir ou revoir le film réalisé par Eric Röhmer en 1968 « Louis Lumière ». Dans ce film, Henri Langlois et Jean Renoir évoquent au travers de plusieurs films tout l’apport de ces réalisateurs pour l’histoire du cinéma. Il est disponible sur youtube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=ROkBWuYsysM et demeure tout à fait pertinent.
Après ces prémisses, vous pouvez vous rendre à la Galerie des Bibliothèques pour visiter une exposition sur les débuts du cinéma policier français. Cette exposition est très riche en affiches et surtout en extraits de films rares. Elle choisit un parcours chronologique. On voit comment le cinéma poursuit, d’un côté, une tradition théâtrale : quelques pièces à succès de l’époque ont pour héros Sherlock Holmes, Arsène Lupin, Nick Carter ; abondance de travestissements des détectives ; d’ailleurs les premiers films sont projetés dans des baraques foraines, des cafés concerts. De l’autre côté, ce cinéma tire son inspiration des feuilletons comme « les mystères de Paris ». Il reprend aussi une culture médiatique puissante celle de la presse, journaux friands de faits divers mais aussi celle de l’affiche. Le cinéma ne fait qu’accompagner un imaginaire très structuré. On voit un certain nombre de figures apparaître : l’apache ( foulard, casquette, couteau dans la poche) et leur fameuse danse. Dans un film, on voit la fameuse Mistinguett se prêter à cet exercice très machiste. Ces danses sont présentées à l’occasion des tournées des grands ducs. L’apache représente un personnage violent qui naît sous la plume de la presse qui met en avant des faits divers sanglants au moment où apparaît un débat autour de l’abolition de la peine de mort. De leur côté, les chauffeurs brûlent la plante des pieds des paysans dans les campagnes pour leur faire avouer l’emplacement du magot. D’autres figures circulent dans l’exposition : le gendarme et le voleur, les chiens policiers (brigades canines), l’automobile et la bande à Bonnot, puis les grandes figures du mal
Zigomar de l’écrivain Léon Sazie, Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain, mis à l’écran par Louis Feuillade en 1913. Suivent les grands figures de détectives : Nick Carter, Nick Winter. Il est intéressant de voir comment le cinéma participe mais aussi construit une certaine réalité. Par exemple, les apaches sont très peu nombreux, ceux sont des mauvais garçons
d’un jour. Mais le cinéma et la presse multiplient leurs méfaits, pour créer un climat de peur.La criminalité est une circulation sociale des pauvres qui tuent, volent pour s’enrichir et monter dans les classes sociales et des bourgeois qui choisissent de s’avilir, par ennui ou pour maintenir un train de vie important ou supérieur. Dans l’exposition on se rend aussi compte des difficultés des réalisateurs pour travailler dans les rues pour filmer des coups de feu, des courses-poursuites. Des gens appellent la police alors que ce n’est qu’un tournage. Des crimes réels sont pris parfois pour des tournages et l’inverse. La population n’est pas habituée à voir des tournages dans la rue. Avant, ils se faisaient dans les théâtres. De plus, contrairement à maintenant le quartier n’est pas bouclé, les équipes et les moyens techniques sont limitées et donc peu visibles. Je terminerai en évoquant un certain fond d’inventions délirantes : les robots, la police de l’an 2000 qui attrape à partir d’un dirigeable et une grande pince les voleurs, l’utilisation de l’illusion avec Houdini.
N’hésitez pas à visiter cette exposition remarquable.
Pascal Broutin