a1Le harcèlement de rue est un symptôme de la domination de l’homme sur la femme. Ce phénomène décrit en 2010 dans le film de Sofie Peeters, « femme de la rue » existe depuis longtemps. Il se manifeste dans l’espace public sous différentes formes du sifflement à la remarque jusqu’au viol, en passant par les insultes, les coups… Pour la sociologue Irène Zeilinger,a2 « les violences faites aux femmes ont le but d’instaurer un contrôle des femmes par les hommes. D’abord elles visent à exclure les femmes de certains endroits » : de la rue (répression féroce contre les suffragettes anglaises) du travail et du pouvoir (harcèlement sexuel des femmes dans certains corps de métier, soit disant réservés aux hommes, comme l’industrie ou les postes à responsabilité dans lesquels les femmes subissent le plus l’harcèlement sexuel.

La bande dessinée « les crocodiles », parue au Lombard, s’intéresse à cet autre espace qu’est l’espace public : la rue, les transports en commun, les cafés… Dans son livre « la domination masculine », Pierre Bourdieu montre comment dans la société Kabyle l’espace public, comme le marché, demeure le lieu exclusif des hommes, tandis que l’espace privé, le foyer, celui de la femme. Dans nos sociétés occidentales, les hommes veulent édicter, aussi, d’une certaine manière, leur loi dans la rue et contraindre les femmes à certains comportements, au niveau de l’apparence vestimentaire par exemple, des attitudes de soumission. Face à cette loi, les femmes ont peu de solutions. Elles vivent avec un sentiment d’insécurité et parfois délimitent leur fréquentation de l’espace public. Elles adaptent leur comportement en multipliant les stratégies.

Thomas Mathieu a collecté des témoignages d’harcèlement et les a retranscrits dans des cases. Les décors et les femmes sont dessinés en noir et blanc, pendant que les hommes sont tous représentés sous forme de crocodiles. Il n’y a pas de représentation d’hommes positifs dans la première partie pour permettre une totale identification, même celle des hommes lecteursa3, aux victimes féminines.

Dans la deuxième partie, l’auteur propose toujours dans des bulles des stratégies pour faire face à ces situations. Ce mode d’emploi s’adresse aux victimes potentielles mais aussi aux personnes qui assistent à la scène. Enfin, pour poursuivre le sujet, vous trouverez des textes de sociologue de féministe, des sites, des blogs. Ouvrage à mettre entre toutes les mains : filles, garçons car il prête à des débats foisonnants et propose une réflexion sur la résolution de conflits tout à fait pratique. Le sujet est traité de manière sérieuse et souvent grave tout en réservant quelques respirations humoristiques.

Pascal Broutin