Leblog3 dossier du dernier numéro de la revue Sciences Humaines, numéro 246, est consacré au langage. Donc, étudiant de BTS n’hésite pas à t’y plonger ! Comme toujours, la revue fait le point de manière très synthétique sur les dernières recherches dans ce domaine. Sous l’impulsion des nouvelles technologies, de nouvelles disciplines et découvertes ont pu voir le jour. Les auteurs relèvent dans leur introduction : « l’imagerie cérébrale, le traitement informatique de corpus de données, l’étude des troubles et des dysfonctionnements, l’étude de la communication précoce chez les nourrissons, la néologie (étude des mots nouveaux), l’étude des langues rares et en voie de disparition, ou encore l’essor des études sur les origines du langage« .  Leur approche se décline en 12 questions : « la pensée est-elle contenue dans le langage ? Comment le langage est-il apparu ? Existe-t-il des universaux du langage ? Pourquoi les langues évoluent-elles ? Que nous apprennent les troubles du langage ? Comment l’enfant acquiert-il le langage ? Le bilinguisme est-il un atout ? D’où vient le sens des mots ? A quoi servent les métaphores ? Quels mots pour convaincre ? Comment naissent les mots nouveaux ? Y a-t-il un centre du langage ? « . Pour vous en donner un petit aperçu nous traiterons dans un premier temps des deux premières questionsblog4

La pensée est-elle contenue dans le langage ? (article rédigé dans la revue par Jean-François Dortier)

Comme souvent, la réponse n’est pas simple et nous rappelle la réponse de l’origine de l’oeuf et de la poule. Pendant longtemps, les linguistes, psychologues et philosophes étaient d’accord pour affirmer que le langage produisait la pensée. Le langage est le propre de l’homme et donne accès à la pensée. C’est l’âge d’or de la linguistique. La revue cite un extrait du Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de Saussure, père de la linguistique contemporaine : « Il n’y a pas d’idées préétablies et rien n’est distinct avant l’apparition du langage ». Le philosophe Ludwig Wittgenstein  ajoute dans Tractacus (1921) : « les limites de mon langage signifient les limites de mon monde ». Pour le psychologue Lev Vitgotski : « la pensée n’est pas seulement exprimée par les mots, elle vient à l’existence à travers les mots« . En conséquence, étudier les lois du langage revient à étudier les lois de la pensée. Le concept de chat nous donne une image générique  de ce qu’est un chat sans avoir besoin d’avoir un chat en face des yeux.

Au contraire, d’autres chercheurs pensent que sans le mot chat, nous en aurions tout de même une idée. La psychologie cognitive détrône la linguistique. Dans les années 1970, des recherches ont montré que le nourrisson dispose d’une vision du monde bien plus organisée que ce qu’on pouvait penser, malgré l’absence de la parole. Les aphasiques distinguent un chat d’un chien malgré la perte du langage. Pour ces chercheurs, la pensée précède le langage. L’idée de chat existe avant l’apparition du mot. L’idée du chat préexiste sous forme d’image meblog6ntale appelée « prototype ». Ces prototypes expliquent, selon Georges Lakoff, tenant de la sémantique cognitive, l’existence des métaphores. Quand on dit d’un homme qu’il est un ours, on ne voit pas le physique de l’animal mais ses qualités supposées.

La pragmatique développe une troisième approche. Le langage ne crée pas la pensée. Il ne reflète pas la pensée. Mais, il déclenche des représentations. Métaphoriquement, on pourrait comparer le langage à une « étiquette sur une porte qui indique ce qui se trouve à l’intérieur ( chambre 23, WC…), mais ne dit rien sur la couleur des murs, la forme des lits ou la position des toilettes ». Le mot induit l’idée. Le procédé est économique. Les mots contiennent de l’implicite que chacun décode selon ses représentations. Les mots sont réducteurs par rapport à la pensée, mais peuvent déclencher une infinité de représentations.

Comment le langage est-il apparu ?

Avant d’aborder, les différentes hypothèses mises en avant, Jacques François, professeur émérite de linguistique à l’université de Caen, définit le cadre de la question. De quel langage parle-t-on ? : apparition de la parole ou le maniement de signes au sens large (langageblog5 des signes) ou toute expression symbolique (les mains sur les parois des grottes). Deuxième recadrage, le langage humain est-il apparu dans un seul lieu à une époque bien définie (thèse de la « Monogénèse ») ou dans différents lieux à différentes époques? Une fois le cadre défini, l’auteur expose les deux principales thèses en présence.

la première défendue par le paléoanthropologue Richard Klein dit que le langage serait apparu à la suite de la mutation d’un gène, bien déterminé le PoxP2.

De nombreux chercheurs émettent plutôt l’hypothèse de la coévolution entre le cerveau et le langage. Les transformations physiques de l’homme, la station debout, le déplacement du larynx et surtout l’accroissement du volume crânien et donc du cerveau vont créer les conditions favorables à l’émergence du langage. L’anthropologue Terrence Deacon émet l’hypothèse d’une coévolution cerveau langage selon un processus d’enrichissement mutuel

Pascal Broutin