a2Cynthia Ghorra Gobin, géographe, directrice au CNRS, est spécialiste de la ville nord-américaine. Dans l’émission « planète terre », diffusée sur France Culture le 06.03.2013, elle nous décrit le modèle américain de mégapolisation  et nous en montre ses limites. En voilà un bref résumé. Vous pouvez toujours réécouter cette émission à l’adresse suivante : http://www.franceculture.fr/emission-planete-terre-la-ville-americaine-est-elle-durable-2013-03-06.

Le modèle :

Il consiste en un étalement des villes qui permet à chaque américain de devenir propriétaire de sa maison individuelle entourée d’un jardin. L’automobile et les infrastructures soutiennent ce modèle. Dolorès Hayden, professeur d’histoire à Yale, décrit un certain nombre d’étapes qui ont conduit à cette suburbanisation. Tout d’abord, la suburbanisation remonte au XIXème siècle. Dans un premier temps, les banlieues romantiques s’adressent exclusivement aux très riches. L’arrivée du train et du tram va permettre une certaine démocratisation de cet étalement. Au XXème siècle, l’Etat va subventionner ce processus en finançant les routes, le système autoroutier et en garantissant les prêts à l’accession à la propra1iété. Cet idéal fait partie du rêve américain : avoir sa maison et être proche de la nature. Les USA sont très influencés par les transcendantalistes  comme Emerson (1836, publication de son essai Nature). Avant, les « européens américains » considéraient la nature comme sauvage. Comme en Europe, on séparait la nature de la civilisation. En 1990, plus de 50% de la population américaine habite en banlieue. Ce continent peuplé par 308 millions d’habitants comprend entre les métropoles de l’est, du Midwest, du sud et du sud ouest des vides. La population se répartit de la manière suivante : 25% dans la ville centre, 58% en banlieue, 16% dans le périurbain.

Les limites :

Les américains ont pris conscience à la fois de la planétarisation et de la mondialisation.La planétarisation leur rappelle la finitude de l’environnement et des conséquences de leur modèle sur la survie de l’espèce humaine. De son côté, la mondialisation, l’universalité du capitalisme, l’émergence d’une classe moyenne dans les pays émergents donnent envie à ces personnes de vivre comme eux

Les catastrophes naturelles comme les ouragans Katrina et Sandy ont montré la fragilité de ce modèle

La crise des subprimes en 2007 a remis en cause ce modèle. De nombreux futurs propriétaires non solvables ont perdu leur maison à cause des taux d’intérêt variables qui n’ont cessé d’augmenter. Le montant des intérêts devenait supérieur à la valeur de la maison. Ne pouvant plus payer les prêts, les banques ont multiplié les saisies immobilières

Les alternatives :

Plusieurs courants ont vu le jour ces dernières années ; le New urbanism prône une certaine densification du tissu urbain et des lotissements. Dans leurs projets, la maison individuelle disparaît au profit de la maison de rue et des petits immeubles. On valorise les espaces publics. Ils encouragent une certaine mixité fonctionnelle. Les gated communities (lotissements fermés) empruntent ce modèle. De son côté, le Workable Urbanism encourage la densificatia1on et en plus le retour du piéton.

Pour terminer sur la ville américaine, je vous invite à lire l’excellente bande dessinée signée Will Eisner « Dropsie Avenue : biographie d’une rue du Bronx », parue chez Delcourt. Comme le sous-titre l’indique, nous suivons la vie d’une rue du Bronx entre 1870 et aujourd’hui et sa lente dégradation. Au début, les premiers habitants d’origine hollandaise résident dans cette fameuse maison individuelle, modèle idéal, petite ferme entourée par un lopin de terre. Puis, de nouveaux immigrés vont arriver : les anglais, les irlandais, les suédois, les allemands, les italiens, les juifs, les noirs, et j’en ai peut être oublié. Les maisons individuelles vont se multiplier, les lopins vont disparaître, les immeubles vont émerger. La voiture, puis le métro vont modifier profondément la vie de quartier. Nous assistons aussi à l’histoire des Etats-Unis : les flux d’immigration, la guerre 14, la prohibition, la crise de 29, la seconde guerre mondiale. Nous voyons l’émergence des problèmes urbains, liés à la promiscuité : la naissance des gangs, la corruption, les problèmes sociaux, les problèmes de logement…

 Pascal Broutin