a1Ce billet s’inspire d’une émission de radio et d’un documentaire.

émission de France Culture « entendez-vous l’éco ? » du 16/05/2018

Film Emilie Lançon « palme, une huile qui fait tâche », visible VOD Arte et sur le net

Omniprésence de l’huile de palme :

l’huile de palme se niche partout : dans l’alimentation (un produit sur deux de l’agro-industrie en contient), dans les cosmétiques, les détergents et les carburants. En Asie, elle est utilisée, dans la cuisine, comme huile de base.

Quelques chiffres :

La matière grasse, la plus utilisée au monde : 50 millions de tonnes en 2016 ; 130 000 tonnes en France dans les produits industriels. 20 millions de personnes travaillent pour cette industrie en Indonésie. On l’appelle l’or rouge. L’Indonésie produit 50 % de l’huile de palme dans le monde. La Malaisie 35 %.

La demande explose. Depuis les années 2000, la production et la consommation se sont multipliées par 2.

Historique :

Le palmier croit, à l’origine, en Afrique de l’ouest, en Guinée. Ce fruit, riche en vitamines, intéresse les européens au XVIème siècle. Il nourrit les esclaves lors de leur traversée pour les Amériques.a2

Le britannique William Lever (1851,1925), un des premiers fondateurs d’une usine de savon à base d’huile végétale, utilise l’huile de palme. Vu le succès de son entreprise, il essaie de développer les palmeraies en Afrique. Des problèmes politiques l’obligent à se tourner vers la Malaisie et l’Indonésie. Henri Fauconier implante les premiers palmiers en Malaisie., au début du XX.

Un fruit vertueux :

Les fruits poussent tous les 15 jours, 12 mois sur 12. Les arbres sont très rentables. On presse la chair pour faire l’huile et le petit noyau pour l’huile de palmite, utilisée dans les cosmétiques.

Elle est facile à stocker et se mélange très bien aux autres ingrédients, car elle est semi solide, comme la margarine. On peut la garder un an sans rancir. Elle est neutre au niveau du goût. Liant pas cher qui donne du moelleux et du croquant aux biscuits.

Un fruit dangereux pour la santé :

Ce produit est difficile à pointer, car il se niche partout : biscuits, pains, chips. L’huile de palme peut se cacher sous l’appellation : « origine végétale », « huile végétale », « E411 ». Les personnes mangent souvent de l’huile de palme à leur insu. L’accumulation de la consommation de ces produits, dans la journée, entraîne des maladies cardio-vasculaires. L’huile raffinée perd toutes ses qualités comme les vitamines, le bêta carotène, pour ne conserver que le mauvais: 50 % d’acides gras saturés, entraînant une recrudescence des cas d’obésité. Comme souvent, les populations les plus pauvres sont les plus impactées.

Un fruit dangereux pour l’environnement :

a3On déforeste les forêts primaires d’Indonésie et de Malaisie (6 terrains de football par minute). On récupère et revend les essences rares. On fait du papier avec quelques arbres puis on brûle le reste, on assèche les tourbières. On assiste à une chute de la biodiversité de 70 % des espèces animales et végétales. Les orangs-outangs sont des espèces menacées. Les mono-cultures nécessitent l’utilisation d’herbicides et de pesticides. Les locaux utilisent des herbicides interdits aux USA et en Europe comme le Gramoxone qui contient du Paraquat, produit de la firme suisse Syngenta. Les ouvriers n’utilisent pas ou peu les protections comme les masques et les gants. Ils ne savent pas toujours que c’est mauvais pour la santé : grattements de peau, bronches infectées… En cas de fortes pluies, les produits chimiques se déversent dans la rivière où se baignent et se lavent les habitants.

Un fruit qui change le mode de vie des indigènes :

Les forêts primaires, lieux de chasse, disparaissent et les palmeraies changent le mode de vie des natifs qui sont obligés de travailler pour cette industrie. Un système d’exploitation colonial se met en place qui exproprie les habitants de leur terre. C’est d’autant plus facile qu’en Indonésie n’existait qu’un droit tribal d’usage, oral qui donnait de génération en génération telle parcelle de forêt à une famille particulière. Les natifs n’ont pas de droit de propriété écrit. Leurs arbres fruitiers ou leurs hévéas sont arrachés et remplacés par des palmiers. les procès n’aboutissent pas. Le gouvernement, les gouverneurs locaux encouragent cette monoculture florissante. L’état dit, qu’entre l’environnement et l’économie et l’emploi, le choix est simple : sauvegarder l’emploi de 20 millions de personnes, comme si les 2 ne pouvaient pas coexister. Depuis quelques années, l’Indonésie développe cette politique en Nouvelle Guinée Papouasie pour l’huile de palme et l’or, au risque de faire disparaître la civilisation papoue. Les pauvres expropriés n’ont que le choix de se faire embaucher comme travailleur.

Si ils n’acceptent pas le travail, le gouvernement fait appel aux migrants, venant, par exemple, de l’île de Java, trop peuplée. Cette main-d’œuvre est plus manipulable, moins exigeante. Les gros conglomérats fixent les prix.

Réactions politiques :

a4En France, la taxe nutella, mise ne place par les sénateurs, a été revue à la baisse par les députés. Alors qu’elle devait atteindre initialement 900€ la tonne en 2020, sous la pression des lobbys, elle a été retoquée, par les députés, pour ne s’élever qu’à 90€ la tonne.

Certains supermarchés, comme système U, essaient de supprimer l’huile de palme de ses rayons ou de ses produits marque. Des enseignes, comme Findus, Saint-Michel, Jacquet, s’engagent à supprimer l’huile de palme de leurs produits.

Adrien Gontier, jeune chimiste, a essayé de vivre un an sans huile de palme. Il propose un guide vert sur la question : http://vivresanshuiledepalme.blogspot.com

Le label RSPO (roundtable and sustainable palm oil) :

Ce label huile éthique devrait assurer des bonnes conditions de salaires aux ouvriers, interdire la déforestation. Ferrero et son fameux nutella, l’enseigne Carrefour ont adhéré à ce label. Pour autant, les conditions de travail sont pires qu’ailleurs : les ouvriers, qui pourront devenir, à terme, propriétaires de la maison construite sur la plantation, ne gagnent que 8€ par mois alors que le salaire moyen en Indonésie est de 115€. Les ouvriers utilisent des herbicides et pesticides toxiques également. Il s’agirait d’une sorte de greenwashing qui permettrait de rassurer la clientèle tout en utilisant des mauvaises pratiques.

 Pascal Broutin