Pour obtenir le consentement des foules, pour contrôler le peuple, les dictatures utilisaient la force pendant que les démocraties avaient recours aux relations publiques. Thomas Jefferson disait déjà : « dans une démocratie, tout dépend du consentement du peuple ».
Le réalisateur Jimmy Leipold va aborder le sujet de la propagande à travers une figure :Edward Bernays, dans son film « propaganda, la fabrique du consentement », à voir sur l’INA ou sur la VOD d’Arte.
6 avril 1917, les USA déclarent la guerre à l’Allemagne. Wilson doit convaincre ses citoyens de s’engager, car un an plus tôt il avait dit le contraire (le conflit européen ne concerne pas les USA). Il se pose la question suivante : comment contrôler les masses pour leur faire accepter la guerre ? Wilson veut d’abord imposer ses choix par la force. D’autres à la Maison blanche ne sont pas de cet avis. Ils veulent mettre sur pieds un arsenal mental et faire la promotion de la guerre, en utilisant les codes de la pub et du divertissement. le cinéma, avec des figures populaires comme Chaplin ou Douglas Fairbanks galvanise les foules ; les hommes d’affaires, les religieux, les figures d’autorité sur le plan local transmettent le message dans tout le pays. Pour orchestrer, Wilson a mis en place une énorme machine : la commission Creel. Elle rassemble des professionnels de la communication : journalistes, publicitaires comme Edward Bernays.
Il reprennent les idées de Gustave Le Bon décrites dans son célèbre livre la psychologie des foules. Le Bon met en avant cette idée de base, les gens sont incapables d’idées rationnelles. Il est vain de parler et de raisonner avec eux. Ils se comportent comme des virus. La foule représente un groupe d’individus incapables de raisonnement. Il faut donc s’adresser à leurs émotions et à leurs instincts. Pour Gustave Le Bon « connaître l’art d’impressionner les foules, c’est connaître l’art de les gouverner » . Les membres de la commission Creel utilise une approche psychologique pour court-circuiter toute pensée critique et toucher les gens aux tripes : images violentes et caricaturales du Hun germanique : image d’enfants embrochés sur des baïonnettes en Belgique, Erich Von Stroheim joue dans des films le mauvais allemand qui jette un bébé par la fenêtre. Ils utilisent des symboles puissants. Ainsi, ils ont réussi à convertir les pacifistes en fanatiques anti-allemands et ceci en un an. L’orchestre symphonique de Boston ne jouait plus de Beethoven.
Pour les grands magnats de l’industrie comme Rockefeller ou JP Morgan ces méthodes arrivent au bon moment. Grèves manifestations, émeutes font trembler le pays depuis la fin du 19ème siècle. La montée du capitalisme a entraîné une paupérisation des ouvriers qui vivent guère mieux que des serfs. Les syndicats, mal vus, commencent à leur faire peur. 66 grévistes spnt tués dans une usine de Rockefeller, en 1914. Ce dernier échappa de peu à un attentat anarchiste. Le monde capitaliste panique de voir son monde s’écrouler. Ils vont utiliser les méthodes de la commission Creel pour faire adhérer les ouvriers au modèle capitaliste qu’ils ont toujours rejeté. En 1919, Edward Bernays s’installe à New York et prend le titre de conseiller en relations publiques à la place de Propagande car ce terme est péjoratif. Il veut donner un nouveau souffle à la propagande en changeant son nom. Si une chose est impopulaire, il suffit de changer son nom. Walter Lippman influence Burneys. Lippman pense que la propagande est le seul moyen de contrôler les foules. Il déploie cette théorie dans un livre intitulé « l’opinion publique ». Les dirigeants doivent contrôler la furie des foules qui risquent de les piétiner. On ne peut le faire par la force il faut utiliser « la fabrique du consentement », terme inventé par Lippman. Une propagande efficace peut amener les masses à soutenir des politiques qui sont contre leur intérêt. Les grandes entreprises embauchent les membres de la commission Creel, charge à eux de convaincre les masses que la prospérité des entreprises privées bénéficiera à l’ensemble de la population. Pour cela, il faut transformer le citoyen en consommateur. Acheter ne doit pas relever du strict besoin mais du désir. Les grands entrepreneurs voulaient montrer que le capitalisme allait offrir une vie meilleure et pas le socialisme. Edward Bernays réalise une première campagne pour la Beech Nut Company, productrice de bacon. Il ne dit pas que le bacon de la Beech Nut Company est meilleur que les autres mais il veut vendre plus de bacon. Il va faire appel aux leaders d’opinion : il fait appel aux médecins, la profession la plus respectée de l’époque. Une étude, menée par des scientifiques, va prouver qu’il faut manger copieusement le matin pour être en bonne santé. Bernays va transmettre ces résultats à 4000 médecins à travers le pays. Ces derniers vont relayer une information à but exclusivement commercial. Le petit déjeuner à l’américaine « eggs and bacon » devient une institution, en quelques années. L’idée suivre un expert, un leader d’opinion, la caution scientifique devient un élément récurrent des publicitaires.
Autre exemple, les médecins apprécient la cigarette donc c’est bon pour la santé. Bernays est attiré par la psychanalyse. Il fait traduire les œuvres de Freud aux USA. Bernays est le double neveu de Freud. Sa mère est la sœur de Freud et la sœur de son père avait épousé Freud. Les gens sont soumis à leur inconscient à leur subconscient, sans le savoir. Bernays fait face à un tabou : seuls, les hommes sont autorisés à fumer dans un lieu public. Bernays a pour mission de faire des femmes des consommatrices de tabac, comme les hommes. Les cigarettes sont un pénis et toutes les femmes veulent un pénis. Cette campagne se situe dans le contexte de la lutte des suffragettes pour le droit de vote. Il enrôle des femmes de la bonne société. Il les convainc que ce serait un coup d’éclat non pas pour le cigarettier mais pour la lutte des femmes. Il utilise un événement annuel : la procession des fêtes de Pâques, à New York. Il nomme les femmes qui défilent avec des cigarettes « les torches de la liberté ». Il recrute des photographes des agences de presse du monde entier, pour faire du bruit. « Les actes sont plus éloquents que les mots ». Après cette action, les femmes furent autorisées à fumer dans les cinémas ; On peut voir, ici l’efficacité d’une seule action. Le rôle des relations publiques consiste à créer des circonstances qui se démarquent de la marque sociale et qui attirent l’attention. Importance de créer de l’information. Il faut faire du bruit et être le premier ; personne ne se souvient du 2ème homme sur la lune.Les conseillers en relations publiques ont modifié le mode de vie des américains, en 10 ans. Ils ont même réussi à changer l’image des grands magnats de l’industrie. Rockefeller est considéré comme un philanthrope. Les agences de communication prospèrent. Edward Bernays, grand mondain, donne des soirées pour les puissants, ceux qui avaient réussi dans tous les domaines : entrepreneurs, journalistes, écrivains, cinéma… En 1929, il publie propaganda, le fruit de 10 années d’expérience. « la propagande revient à enrégimenter l’opinion publique, exactement comme une armée enrégimente les corps de ses soldats. Cette publication montre la puissance de la propagande. Même quand le marionnettiste avoue, ceux qui sont manipulés ne peuvent lui résister. Les nazis étaient très impressionnés par la propagande commerciale américaine. Goebbels l’étudie de près et y fait référence tout en l’adaptant aux objectifs nazis, avec beaucoup de succès.
A la suite du krach boursier de 1929, les entreprises redeviennent l’incarnation du diable. Roosevelt fait appel aux conseillers en relations publiques. Il se met en scène en famille dans son quotidien. Il veut créer, ainsi, des symboles. Il opte pour une autre méthode la pédagogie : expliquer aux citoyens ses choix pour réformer le pays. Il met au point avec ses conseillers des discussions au coin du feu, avec des rendez-vous radiophoniques réguliers, qui dureront 10 ans. Il avait une voix apaisante. Il parlait aux auditeurs comme si ils étaient leur égal et ça a donné confiance aux gens. Il désirait rendre un système confus compréhensible. Il lance la production de documentaires pour expliquer son programme phare : le New Deal. Il embauche des photographes célèbres, comme Walker Evans qui vont sillonner le pays pour montrer les effets de la crise : le peuple américain découvre une Amérique qu’il ne connaissait pas : l’Amérique des délaissés, des pauvres. La force émotionnelle de ces photographies marque les esprits. Le monde des affaires voit le New Deal et l’intervention de l’état comme une catastrophe. Ils essaient de vendre l’idée que l’entreprise privée est la clé d’une vie réussie. Il faut rétablir la confiance du peuple à l’égard du système capitaliste. Ils vendent une image idéalisée de la vie américaine que les américains vont finir par désirer. Roosevelt s’appuie sur la réalité quand les patrons vendent du rêve. Quand Roosevelt parle aux citoyens les autres parlent aux consommateurs. C’est dans l’ADN des américains on n’aime pas le gouvernement on aime l’american way of life , la libre entreprise. La libre entreprise est synonyme de liberté, démocratie et justice. Les relations publiques s’adressent aux consommateurs de demain les enfants. Ils vont chez l’américain : une immense caravane publicitaire sillonne le pays « la parade du progrès » de General Motors. Les bienfaits de la consommation sont vendus comme la base du bonheur américain. En 1939, une exposition universelle se tient pour la première fois, à New York. Elle représente une des plus grandes expériences de relations publiques jamais réalisées. Son organisateur Edward Bernays. I’appelle l’exposition démocracity (fusion de la démocratie et du capitalisme). Les pavillons parlaient de l’avenir et non du présent et les gens adoraient cela. Quand on parle de demain, on peut inventer ce que l’on veut. La démocratie ne peut être que capitaliste. La concurrence n’est pas libre car ce sont les plus puissants qui ont plus de moyens. Les pauvres peuvent difficilement faire passer un message contradictoire. Les industriels vont voir dans la guerre un formidable outil pour relancer leur campagne sur l’American Way of Life. L’après guerre serait un monde d’abondance. L’industrie poursuit son offensive soutenue contre les défenseurs du New Deal. En 1945-46, de nombreuses manifestations se déroulent dans les rues des Etats-Unis. Les industriels réussissent à imposer à Truman une loi qui limite le droit de grève et des syndicats. Il demande aux relations publiques de faire passer les contestataires pour des citoyens opposés aux vraies valeurs de l’Amérique. En 1950, ont lieu des campagnes massives dans les écoles, les universités, les leagues sportives, les églises et les usines pour imposer des cours sur l’Américanisme, l’harmonie et la lutte contre les ennemis. L’anticommunisme a été utilisé à cette fin. Les américains avaient peur de la guerre nucléaire : des exercices étaient organisés en cas d’attaque nucléaire. Ce climat de peur est utilisé par les spécialistes de la communication pour défendre des intérêts privés.
Au Guatemala, en 1951, le nouveau gouvernement de gauche Arbenz veut nationaliser les terres qui appartiennent en grande partie à l’United Fruits Company. Cette entreprise y voit une menace pour ses intérêts ; une contre attaque médiatique s’impose. Bernays réussit à convaincre les américains et de nombreux guatémaltèques que ce nouveau gouvernement était la tête de pont de l’URSS. Il lance une guerre psychologique plus efficace que dans les 2 grands conflits. Il invente une expression : le média blitz. Elle consiste à passer son temps au téléphone avec des journalistes influents en leur fournissant régulièrement la matière de leur reportage. Bernays crée son propre bureau d’information et de dépêches sur le thème unique du Guatemala., en apparence indépendant mais financé par l’United fruits company. Il fournit l’information, organise des voyages clé en mains pour les journalistes. Les journalistes ont relayé ses infos. Tout ceci convainc l’état USA d’intervenir au Guatemala. En 1954, le président Arbenz est renversé avec le soutien de la CIA. L’arrivée au pouvoir du colonel Carlos Castillo Armas, pro USA, marque le début d’une guerre civile qui durera 40 ans et fera plus de 200 000 morts. La campagne de Bernays aura duré 3 ans. Il a aidé à renverser un gouvernement de gauche, élu démocratiquement. Ceci marque le début des interventions des Etats-Unis, via la CIA. Ça n’a pas marché au Cuba ou au Viet-Nam, mais avec plus de succès en Amérique du Sud.
La démocratie est une mascarade. Les relations publiques travaillent pour un client pas représentatif de la majorité, donc pour un intérêt particulier. Un petit nombre de personnes créent des fictions publiques et les mettent dans nos cerveaux. « La propagande ne cessera jamais d’exister. Les esprits intelligents doivent comprendre qu’elle leur offre l’outil moderne pour créer de l’ordre à partir du chaos ».