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Erich von Stroheim a réalisé le film « les rapaces en 1924. Ce film demeure mythique pour différentes raisons :

Seules 12 personnes ont vu le film dans son intégralité, en avant première. D’une durée de 8 à 9 heures (85 heures de rushs, 198 jours de tournage, le montage dure un an pour aboutir à 42 bobines) , le film n’a cessé d’être amputé, pour proposer une version finale d’un peu plus de 2 heures . La légende voudrait qu’il existe une version intégrale de l’œuvre en Amérique du sud comme pour le Métropolis de Lang. Il existe des photographies du tournage et quelques morceaux de pellicule qui nous permettent d’imaginer les parties manquantes de l’histoire.

 

Synopsis :

Au début du siècle, MacTeague, un colosse aux cheveux blonds et bouclés travaille dans une mine d’or de Californie. Il est sujet à de terribles crises de a4colère et sur les conseils de sa mère mourante, il décide de quitter la mine pour tenter sa chance en assistant un dentiste itinérant. Bientôt, il ouvre son propre cabinet à San Francisco et a pour client Marcus et sa petite amie Trina. Maria, la femme de ménage de MacTeague vend à l’occasion un billet de loterie à Trina.

Lors d’une partie de campagne en famille, Marcus casse une dent à Trina mais s’empresse de l’emmener voir son ami dentiste. Plusieurs séances sont nécessaires et petit à petit, MacTeague tombe follement amoureux de Trina au point de l’embrasser alors qu’elle est sous anesthésie. Rongé par son désir, il finira par l’avouer à Marcus qui, noblement, lui cède la place et lui fait même rencontrer la famille de Trina. Trina, au départ réticente, finit par accepter MacTeague. On lui apprend alors qu’elle vient de gagner 5000 dollars à la loterie. Marcus regrette amèrement son geste chevaleresque. Le couple se marie bientôt en famille mais Trina a beaucoup de mal à quitter le nid familial et imaginer un rapport charnel avec le rustre MacTeague le soir de la nuit de noce.

Le temps passe et les rapports du couple s’arrangent même si Trina développe une passion maladive pour l’argent. Bientôt elle semble déçue par les réalités du mariage et son trouble s’aggrave. Quant à Marcus, il s’est querellé avec MacTeague à propos de l’argent au point de le menacer avec un couteau. Mais MacTeague n’a pas de rancune et Marcus revient dire au revoir au couple, leur expliquant qu’il part s’installer dans un ranch. Le couple est soulagé.

Peu de temps après, MacTeague reçoit une lettre l’avertissant de l’interdiction d’exercer son métier parce qu’il n’a pas de diplôme. Trina y voit une dénonciation venant de Marcus. La chute du couple commence et MacTeague commence à chercher du travail mais aussi à boire dans un café. Trina passe son temps à lustrer ses pièces et refuse de toucher à son pactole. MacTeague se prend de dégout pour Trina et finit par la quitter. Elle trouve un emploi de femme de ménage.

MacTeague erre et revient lui réclamer des sous pour pouvoir manger. Elle refuse. Plus tard il revient très en colère et la tue sauvagement, emportant le magot avec lui.

a6Il part alors dans l’Ouest où il espère trouver de l’or dans les mines. Marcus, qui a fait sa vie au ranch, voit alors un avis de recherche de MacTeague et se lance à sa poursuite avec une patrouille. Celle-ci refuse de le suivre en arrivant dans la Vallée de la mort à cause de la chaleur intense.

MacTeague, qui a ressenti un danger venir, quitte son compagnon de fortune et marche seul dans le désert aride. Bientôt, Marcus le retrouve et les deux hommes errent en souffrant atrocement de soif. Ils finissent par s’affronter, et MacTeague frappe mortellement Marcus qui a pris soin de s’attacher à lui avec des menottes.

MacTeague se retrouve piégé en attendant la mort entre le cadavre de son ami et ses pièces d’or. (wikipédia)

Analyse :

Nous avons affaire à une tragédie grecque. Les 5000$ gagnés à la loterie annonce le début de la chute. Von Stroheim voulait montrer les hommes tels qu’ils sont. Ils sont enchaînés dans le monde avec leurs imperfections, leurs qualités, leurs défauts,a7 leurs noblesse. Après la 1ère guerre mondiale, il pensait que les spectateurs ne voulaient plus des films « éclairs au chocolat », dont on les avait gavés. Au final, le film représentera un bide total. Il aura coûté 600 000$ et rapporté 300 000$

Le souci du réalisme : Il s’agit d’un des premiers films tourné en décor naturel. Von Stroheim filmera dans la Sierra Nevada, à San Francisco, dans la vallée de la mort. Pour rendre les scènes plus réalistes, il tourne dans la vallée de la mort en plein été, à 50 kilomètres de toute âme qui vive, pendant 37 jours, en rationnant en eau les 40 membres de l’équipe. 15 de ces membres seront d’ailleurs rapatriés pour être hospitalisés. Dans le même sens, il invente et écrit la biographie de tous les personnages même les secondaires qui apparaissent peu ou pas à l’écran. Il désire avoir des cloches qui sonnent juste même si on ne les entendra pas au final.

Le non succès du film s’explique par l’absence d’happy end et le manque de glamour. Griffith aimait filmer jusqu’au happy end du mariage. Stroheim commençait après le mariage, au début de la déchéance. Il aime filmer le sordide, mais aussi la sexualité. Il se disait surpris qu’on filme l’attaque d’un train mais pas celle d’une femme. Le film deviendra rapidement un mythe, soutenu par de grands réalisateurs comme Renoir, Eisenstein ou Cocteau, sans l’avoir vu dans son intégralité. En 1950, Langlois organise une projection avec Erich von Stroheim. Ce dernier, n’appréciant plus ce film dans cet état, le comparait à l’ouverture d’un cercueil dans lequel on aurait trouvé le squelette d’une femme aimée il y a très longtemps.

Il partage avec Stanley Kubrick un certains nombres d’aspects : la démesure, les budgets pharaoniques, l’importance donnée aux décors alors qu’ils ne viennent pas du théâtre, le travail d’acteur : il sait les utiliser, il n’emploie pas d’acteur connu pour mieux les modeler. Il fait 20 à 30 prises sans donner beaucoup d’indications. Lors de l’épisode de la vallée de la mort, au cours de la scène du duel final, Stroheim donna l’indication suivante : « essayez de vous haïr comme vous me haïssez »