Ce billet fait suite à une rencontre avec M. Julien Roche autour des learning centers. M. Roche est en charge de la mise en place de celui de Lille 1.
Signalons tout d’abord que « learning center » est avant tout une appellation, un label qui permet d’attirer les subventions. Les réalités sont très diverses, selon les lieux. Le learning center est ensuite un espace souvent très conceptuel, minimaliste, traduisant les rêves des architectes, mais pas toujours ceux des usagers. Les architectes japonais du Rolex Learning Center de Lausanne ont multiplié les défis techniques pour réaliser leur vague de béton. Oui, c’est une prouesse technique, oui c’est un beau bâtiment, oui la vue est belle ! Et après ? A quel coût financier ? L’immensité du lieu (deux terrains de football) encourage-t-elle la communication, l’accueil ? Le personnel et le public sont-ils formés pour se réapproprier ce lieu futuriste qui se rapproche plus de leur représentation du Skate-Park que de la médiathèque ?
Ensuite, M. Roche nous annonce la mort du livre et la présence de 95% des documents sous forme de documents numériques. Les différents intervenants ont insisté sur l’absence des livres dans les learning centers et la nécessité de développer l’accueil et le lien social. Première remarque : le livre est présent au Rolex Learning Center. En effet, il propose en libre accès 500 000 ouvrages. Deuxièmement, je ne pense pas que le livre va disparaître tout de suite. Certes, des livres exigeants ne seraient plus édités aujourd’hui. Je pense que Jacques Derrida ou Gilles Deleuze ne trouveraient pas d’éditeur actuellement, sauf si ils écrivaient parallèlement un petit opuscule sur la philosophie du bonheur en 10 leçons. Mais des romans, des essais continueront à être publiés sous version papier. Je n’ai pas très envie d’amener ma tablette sur le sable, j’aime partager mes livres… Autre point important : le livre représente un puissant créateur de lien social. Pour moi, les plus belles rencontres avec les élèves dans les CDI et les médiathèques se déroulent autour du livre et peu autour de l’écran. Je me réjouis d’ailleurs de certains chiffres concernant la fréquentation des lieux culturels comme le cinéma, les musées. Dans cet ordre d’idées, je vous invite à écouter l’entretien que Geneviève Patte, co-fondatrice de l’association « La Joie par les livres », de la médiathèque de Clamart,
accordait à Laure Adler, dans le cadre de l’émission « Hors-champ » http://www.franceculture.fr/emission-hors-champs-genevieve-patte-2012-06-04.
Le monde qu’elle décrit me fait plus rêver que celui proposé par Julien Roche. Je n’ai pas précisé en préambule que je ne suis pas technophobe : j’anime un blog dans mon établissement, écrit sur plusieurs sites. Mais, je crois, comme toujours qu’il faut placer le cursus au milieu : faire évoluer le métier, tout en gardant ce qui marche bien déjà. Et surtout, réfléchir aux conséquences, en termes de formation, de conditions de travail qu’une telle « révolution » pourrait entraîner. Comme disait Jean Jaurès : « il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience ».
Pascal Broutin