a2Le thème du projet 75h vient d’être dévoilé aux élèves de terminale: « résister ». Quel beau sujet. Je vous propose un premier article qui sera, j’espère, suivi d’autres.

Résister une approche conceptuelle

Un mot aux multiples facettes :

Le thésaurus de l’Encyclopédia Universalis nous montre que le terme de résistance est utilisé dans de nombreux domaines de la connaissance. Il propose des entrées dans le champ de la physique (résistance des matériaux, électricité, acoustique), de la biologie avec un article sur la résistance bactérienne, de l’histoire avec deux articles sur la résistance intérieure allemande et française, un sur le parti de la résistance pendant la Monarchie de Juillet (1830-1848), mais, aussi de la psychanalyse… Nous pourrions ajouter de nombreux domaines. Les arts en général peuvent s’apparenter à une forme de résistance. On pourrait lire de nombreux romans sous le prisme de la résistance dans les rapports entre les divers protagonistes. La philosophie s’est également emparé largement de ce thème et en particulier après la seconde guerre mondiale… On peut penser aux écrits d’Hannah Arendt et Vladimir Jankélévitch et à la notion de liberté quia3 lui est proche

Nous-même nous pratiquons quotidiennement une certaine forme de résistance. Nous résistons aux enfants, aux adultes, à notre supérieur hiérarchique, à la Société, à l’Autre mais aussi ,aux éléments, aux choses…

Nous résistons comme nous respirons de manière inconsciente parfois. Par exemple, nous résistons aux intempéries, aux maladies, à différentes forces qui s’exercent sur nous, à nous mêmes, à nos désirs enfouis, aux tentations.

 

Un mot qui désigne une posture :

Pour Alain Rey, dans le robert historique de la langue française, le mot est emprunté au latin rseistere qui signifie s’arrêter, se tenir en faisant face, faire obstacle. Avec le préfixe re qui exprime une valeur intensive et contraire et sistere qui peut être traduit par se poser, se placer, tenir ferme.

L’écrivain Gérald Cahen ajoute, dans résister : le prix du refus, paru aux éditions autrement, que sistere vient de stare qui signifie « être debout ». La station bipède représente la particularité de l’homme. Être debout physiquement mais aussi métaphoriquement au niveau des idées, de la pensée comme le proposait un mouvement comme Nuit Debout, l’année dernière. Beaucoup de synonymes montrent que le corps s’implique dans cet acte de résistance : se raidir, tenir tête, se dresser, faire front

a4

Un mot qui dépend de son objet :

Pour Gérald Cahen (résister : le prix du refus), « on ne résiste pas de la même manière aux intempéries, au fascisme ou à la gourmandise  […] certes, il s’agit toujours de se protéger, de dresser des barrières là où se profile une menace, mais la nature de celle-ci change évidemment le sens du combat ».

Pour Alain Rey (op. Cit. ) le mot, dans sa première attestation, s’emploie avec un sujet désignant un être vivant, au sens de s’opposer par la force à une personne qui fait usage de la force ou de moyens de contrainte, dans le cadre de la guerre.

Par extension, il peut signifier se rebeller, refuser de se soumettre à une autorité.
Puis, plus tard au XVIème siècle, le verbe sera suivi par un objet. Le dictionnaire le Trésor de la langue Française (TLF) précise « supporter quelque chose, tenir victorieusement contre quelque chose. .Résister à la force de l’eau, du vent. John Mangles démarra le radeau (…). Tout alla bien pendant une quinzaine de toises. Wilson résistait à la dérive (Jules Verne, Les enfants du Capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 249).

Puis apparaissent les sentiments. On résiste à la séduction, à la tentation à la gourmandise. L’homme et la femme deviennent irrésistibles.

 

Un mot qui dépend de son sujet :

Certes, la résistance est une capacité des hommes mais pas seulement. Elle concerne tous les êtres vivants, mais aussi les matériaux. Le Trésor de la langue Française nous propose cette définition : « Ne pas s’altérer sous l’effet d’un agent extérieur. Métal qui résiste à la corrosion de l’eau; pierre dure qui résiste à l’érosion; vase qui résiste au feu. Nos bâtiments (…) pouvaient résister aux grosses mers que nous aurions à parcourir (Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 41) ».

 

Un mot ambivalent :a5

La résistance peut apporter du plaisir et du déplaisir.

Pour Gérard Cahen, la résistance est une nécessité. « Préoccupation ni morale, ni immorale, mais vitale et que l’homme partage avec tout être vivant qui doit se défendre pour persévérer dans son être ».  « Résister , dans ce premier sens, c’est donc constituer un cordon sanitaire autour de la flamme fragile , éphémère de l’existence » . Comme nous sommes des êtres limités, résister devient une nécessité, un réflexe. Notre machine biologique est limitée, fragile. « Qu’est-ce que se loger, se vêtir, se nourrir, se soigner sinon se défendre au jour le jour ? ».

Non seulement Résister est une nécessité biologique mais donne aussi du sens à sa vie et pour sa vie. Une vie assujettie continuellement à la crainte de la mort n’est pas une vie.

 

La résistance peut être une source de plaisir : le sportif est un « philosophe de la résistance » dans la mesure où il repousse constamment les limites de son corps. Malgré la conscience des limites de son corps, il ressent du plaisir à dépasser les limites. A l’inverse du peureux qui résiste en écartant le danger, le sportif n’hésite pas à se porter au devant du péril, à défier la mort. Paradoxalement, le sportif résiste pour rester en vie tout en risquant sa vie

Résister pour différer un plaisir et augmenter son intensité. Pour Euripide « L’attente d’un bien est déjà un plaisir ». Pour Montaigne, « l’attente est douce, mais elle s’aigrit comme le lait ».

 

La résistance est souvent assimilée à une source de déplaisir.

Tout ce qui fait obstacle, entrave représente une source de déplaisir. La résistance s’apparente à une forme de souffrance, de douleur.

L’homme se caractérise par sa conscience qui modifie l’enjeu en amplifiant les dangers et fait de nous des éternels inquiets et angoissés. Nous nous construisons des murs des barrières pour nous protéger, pour nous replier sur nous-même et notre identité.

 

Des synonymes :

Pour clore provisoirement ma réflexion sur la résistance, je vous propose, en vrac, quelques synonymes, proposés par le Trésor de la Langue Française, classés de plus au moins pertinent.

s’opposer, se révolter, se rebeller, protester, se rebiffer, se défendre, se cabrer, regimber, lutter,

refuser, combattre, réagir, s’insurger, tenir, se dresser, affronter, soutenir, répondre, récalcitrer, faire face, contrarier, contester, se débattre, se mesurer, se raidir, supporter, tenir tête, traîner, s’obstiner, ruer dans les brancards, défier, faire front, rechigner, renâcler, repousser, rouspéter, se piéter, se rebéquer, se refuser, se tâter, souffrir, subir, survivre, tenir bon, tenir le coup, se mutiner, se faire prier, s’endurcir, contrecarrer, durer, désobéir, endurer

 

Des antonymes extraits du même dictionnaire :

abandonner, abdiquer, accepter, accorder, accéder, acquiescer, altérer, assaillir, attaquer, briser, capituler, composer, consentir, crever, crouler, céder, déférer, faiblir, faillir, flancher, fléchir, fuir, laisser, lâcher, lâcher pied, mollir, obéir, plier, ployer, reculer, rendre, s’effacer, s’effondrer, s’enfuir, se rendre, se soumettre, succomber, tomber, évaporer.

 

Pascal Broutin