Jochen Jung aborde dans son livre « Vénézuela », paru aux éditions Métailié, le thème de la fuite du père, devant ses responsabilités, sa famille en l’occurrence. Double fuite, celle du père et celle du grand-père. Le fils, narrateur de l’histoire nous raconte le départ précipité et apparemment non calculé du père, gynécologue au service de la femme d’un général de la Wehrmacht, pendant la seconde guerre mondiale. Son père, très beau physiquement, succombe aux charmes de sa protégée. Convoqué par le général le lendemain, il décide de prendre la fuite et de se rendre au Vénézuela, terre de ses ancêtres, en abandonnant son passé, femme et enfants. Nous suivons son périple et son arrivée dans une communauté allemande, puis la rencontre avec son propre père, à la page 89. Extraits : « tu dois t’en douter, tu le sais peut-être même, tu es mon fils, mon enfant. Et, après une pause : Je dois m’occuper de toi. Tout en l’attirant à lui en une accolade maladroite, il lui glissa à l’oreille : Que puis-je faire pour toi ?
Mon père esquissa un mouvement de recul. Il avait senti dans l’odeur de cet homme qui lui était tellement étranger quelque chose de familier, cet homme qui était donc celui qui à Hambourg avait pris la poudre d’escampette avant même qu’il soit lui-même venu au monde. .. Je ne sais, reprit alors le vieux en retournant à pas lents vers son hamac, je ne sais pas si tu t’es jamais demandé ce que cela signifie d’être père-sans doute pas, tu n’as pas une tête à l’avoir fait. Un beau jour, c’est absolument certain, tu le feras. A ce moment là, il te faudra trancher entre toi et tes enfants. Oui c’est ainsi : eux ou toi. mais dès que tu auras pris ta décision, tu le regretteras. J’ai trois autres fils en dehors de toi, je sais de quoi je parle« . Ce livre sur l’abandon des pères me ramène à un article paru dans le journal le Monde, sous la plulme de Anne Chemin, en date du 07.01.2011. Cet article, intitulé « un tiers des familles monoparentales sont pauvres » dresse un bilan préoccupant de l’évolution des familles monoparentales, tant au niveau du nombre que des conséquences au quotidien. Nous apprenons que le nombre des enfants vivant avec un seul parent est passé entre 1968 et 2005 de 6% à 16%. 90% de ces enfants vivent avec leur mère. Cette séparation entraîne des difficultés financières en particulier dans les milieux déjà défavorisés. Financières, les difficultés deviennent aussi psychologiques. « Pour certains chercheurs, la monoparentalité ne se contente pas d’influer sur le niveau de vie : elle transforme les relations au sein des familles ». Elle cite l’anthropologue Agnès Fine qui s’appuie sur les travaux d’Agnès Martial pour affirmer que « la monoparentalité place parfois les enfants qui vivent seuls avec leur mère-surtout les aînés-dans un rôle de confident ou de gestionnaire, un peu comme si ils étaient des adultes. Pour beaucoup, c’est un changement de génération qui peut-être difficile à supporter ». La relation au père, plutôt épisodique, a tendance à se distendre et à disparaître